Je venais de m’installer sur une terrasse de restaurant quasi déserte et faisais face à l’océan. J’étais seul, loin de chez moi, à profiter d’une vue magnifique, avec l’intention prioritaire de combler une fringale devant une bonne assiette.
Après avoir passé ma commande, arrive un jeune couple venu s’attabler juste derrière mon dos. Ils étaient de ceux que j’appelle des “seuls au monde” : Ceux dont les discussions sont également destinées à tout le voisinage.
Je n’allais malheureusement pas pouvoir me laisser bercer par le bruit des vagues en attendant mon repas et espérais qu’ensuite, ce duo de bavards n’en gâcheraient pas toute la substance.
A ma grande surprise, ces deux inconnus semblaient me connaître sans me reconnaître et avaient une vision d’ensemble assez précise de certaines spécificités de mon existence. Ils avaient même un peu trop à mon goût pour des anonymes, une capacité suspecte à se comporter en maîtres de mon destin ! Mon souci était surtout qu’ils y allaient cordialement de leurs opinions narquoises quand elles n’étaient pas carrément déplacées !
Une fois de plus, j’étais entré dans la quatrième dimension ! J’en suis un habitué et depuis que je le suis, je ne m’en lasse pas tant qu’il ne s’agit pas d’un voyage sans retour.
S’agissait-il d’une rencontre imprévue due à un hasard malheureux ou avait-je été tracé et localisé par smartphone par un couple de comédiens participant à une vaste farce savamment orchestrée ?
Une fois encore, j’avais été saisi de cette curieuse impression que je n’avais que peu de maîtrise sur un scénario prédéfini par d’autres : Celui d’un script de planification du déroulement de mon avenir.
Un doute subsistait néanmoins dans mon esprit et cette situation hors du commun ne m’a nullement coupé l’appétit. Ne me prétendant pas « unique au monde » au point de perdre tout sens des réalités, il restait toutefois possible que mon chemin de vie soit très similaire à celui d’un autre bipède évoluant sur place.
Je m’étais senti visé et même désigné dans les termes de leur conversation, mais c’était plus vraisemblablement cette autre personne, qui devait faire l’objet des leurs ragots indiscrets !
En tout cas, suite à cet épisode, j’avais définitivement intégré l’idée que ma géolocalisation pouvait être tracée en permanence et n’avais jamais hésité ensuite, à aller jusqu’à saboter les grandes lignes du script que les deux compères m’avaient (in)volontairement soufflé. Mais ça, c’était surtout parce qu’ils n’avaient pas été tendres avec moi au restaurant avec leurs présomptions et commentaires désobligeants. Et puis, c’était aussi dans l’idée de ne laisser à personne, le contrôle des manettes de ma destinée !
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Ces événements sont réels et datent d’il y a déjà quelques années. Et des épisodes de ce type là, j’en ai une longue liste en stock… Mais je ne les évoquerai pas tous ici. Je les conserverai au frais dans la partie immergée de mon iceberg.
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Ce n’est que plus tard, en revisitant, en recoupant et en étudiant les scènes d’épisodes similaires de mon vécu, que j’ai enfin compris qu’il n’était pas du tout indiqué pour moi d’écouter des conversations qui ne se déroulent pas dans mon champ de vision. Que ce type de situations pouvait m’ouvrir une porte vers une dimension d’ordre paranoïaque chargée d’hallucinations auditives. Et c’est en être conscient qui pourra permettre d’y échapper. Je sais aujourd’hui que je dois rester sur mes gardes avec tout ce qui est du domaine du sonore. D’ailleurs la radio peut me servir d’appareil de mesure pour me repérer et savoir dans quelle dimension je me trouve…
Un récit qui est toujours en cours de rédaction. Le premier jet du dessin prévu pour l'illustrer me semble pas si mal ! Je vais essayer de le fignoler.