J’ai vécu jusqu’ici la plus grande partie de mon existence trop loin des mers et des océans. Au mieux, si la chance me décochait un sourire, je pouvais m’y rendre une fois l’an, lors des grandes vacances : Lorsque les plages se transforment en plantations serrées de parasols et que les prix viennent juste de flamber, tout comme d’ailleurs le premier jour, les deux ou trois premières couches de tes dermes en raison de ton mépris annuel pour le tube d’écran total …
C’était aussi ces trop rares occasions où tu pouvais rehausser d’un peu d’exotisme ton rôle parental, en transmettant à tes chérubins, les rituels et techniques ancestrales du maniement des jeux et des outils de plage et en leur révélant le grand secret du gonflage optimal du matelas pneumatique. C’est là que ta descendance perfectionnait le mieux son lancer de l’assiette ou pouvait développer son encourageant potentiel à devenir un jour le champion du monde de tennis des sables.
Et en tant que paternel, tu bénéficiais, en échange de ta vigilance à la surveillance de la progéniture, d’une autorisation exceptionnelle ainsi que de conditions optimales et reposantes pour contempler diverses merveilles de la nature, à condition que tout danger soit écarté.
A l’heure où j’écris ces lignes, je me trouve en période de « basse saison » par agréable température de l’air comme de l’eau, à deux pas de la Méditerranée et je ne sens pas quotidiennement complétement épanoui, si je n’ai pas, au moins 38 grains de sable collés à chacune de mes extrémités.
Mais vous l’avez compris, j’ai décidé de régler son compte à cette longue série de frustrations de manque de grand bleu, qui m’a tarabiscotée des années durant. Je veux m’entendre penser à tue-tête que je voudrais bien retrouver nos montagnes et nos grandes flaques pleines d’eau douce ! Que je ne supporte plus ces incessantes complaintes de mouettes. Qu’un jour ce continuel bruit du fracas des vagues sur le sable ferme, ça finit par être agaçant !
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Autre relique récidiviste en relation directe avec la mer, arrière-goût persistant d’une expérience de jeunesse mitigée à laquelle je devrais en principe aujourd’hui être en mesure de régler son compte : Il semblerait selon ma mémoire à très long terme, que je n’apprécie pas du tout de me trouver sur le pont d’un bateau en mouvement, amputé de toute vision même partielle sur un relief des côtes !
Cette remise en question devrait être dans mes cordages, parce que lorsque je traverse un océan derrière le hublot d’un avion, je ne pâlis pas d’un ton, si je ne distingue plus à l’horizon, le spectre d’une piste d’atterrissage en catastrophe. Alors demain, je me jette à l’eau si je puis dire : J’ai réservé une odyssée sur les flots d’une durée de treize heures ! Et une grande partie de la croisière aura lieu dans l’obscurité nocturne ce qui me garantira en l’occurrence , une absence visuelle de relief côtier. Pour couvrir le risque d’un potentiel échec, j’ai réservé une cabine confortable et ai téléchargé des documentaires détaillant de pittoresques bords de mer. Et en cas de malaise, je demanderai au psychiatre de bord, qu’il m’administre dans l’urgence, une dose de cheval d’anesthésique pour cheval.
Mais je m’imagine déjà assez bien en figure de proue, les ailes largement déployées, crier à contrevent que je suis l’un des maîtres du monde….