Suivez le guide mesdames, messieurs ! Je vous souhaite à tous la bienvenue au musée des erreurs. La visite commence ici…
Sur votre gauche, vous pouvez admirer une grande fresque peinte à la main, qui représente les graves conséquences d’une erreur humaine . Ces événements se sont déroulés en 2015. Jean T. qui était en état de surmenage et laissé seul à son poste suite à des mesures de réduction de coûts, n’a pas tenu compte d’un message d’erreur dont les suites pouvaient s’avérer fatales et a malgré ce signal, machinalement poussé le levier sur son tableau de commande…
Plus loin nous pouvons contempler un triptyque, une représentation d’époque d’une erreur de diagnostique. Les experts avaient sous-évalué le potentiel de récidive de Paul J. Ils n’avaient pas été en mesure de déceler l’évidence que le degré de dangerosité de ce dernier pouvait encore, même après une longue détention, représenter une sérieuse menace pour la société.
A votre droite vous pouvez apercevoir une sculpture massive symbolisant le résultat d’une erreur d’aiguillage. Pierre. S avait été dirigé au mauvais moment, au mauvais endroit par la mauvaise personne. Un recruteur n’avait pas constaté lors des entretiens d’embauche, qu’il souffrait de troubles du comportement et d’une insuffisante résistance au stress pour qu’il lui confie les plus hautes responsabilités d’une centrale nucléaire.
Plus loin nous pouvons contempler une suite d’erreurs de casting. Ce groupe de statues en granit représentant des mannequins anormalement rachitiques, démontre à qui, à cette époque, la plupart des jeunes demoiselles voulaient physiquement ressembler. Elles pouvaient même aller jusqu’à se refuser de se nourrir normalement pour atteindre le but étrange de paraître en mauvaise santé. Aujourd’hui avec l’évolution des mentalités, ce genre de comportement pourrait prêter à sourire, mais sachez aussi que les vrais coupables de cette aberration culturelle, n’ont à l’époque jamais été clairement désignés ni inquiétés outre mesure.
Ici un buste en bronze de Jacques C. C’est l’homme qui représente à lui seul la fatalité des erreurs de jeunesse et les conséquences alarmantes d’une rébellion aveugle face à une société alors individualiste et matérialiste basée sur la performance pure. Il a anonymement déclenché une alerte à la bombe dans son pensionnat dans le but d’attirer l’attention sur lui, et il a été rapidement démasqué. Plus tard pour se venger d’avoir été sévèrement puni, il a lui-même, sans réfléchir, saboté le système de freinage du véhicule scolaire dans lequel il a péri avec tous ses camarades. Il n’a malheureusement pas obtenu de sursis pour apprendre de ses erreurs. Un drame qui a fait frissonner d’effroi, l’ensemble de la population locale.
Ici vous pouvez assister à une œuvre expressionniste tragique. Une erreur de communication entre les gouvernements de deux grandes puissances, qui a fini par déclencher cette Xème guerre mondiale de sinistre mémoire. Ceci peut en effet sembler être de la folie pure de nos jours, mais si vous essayez de vous transposer dans cette époque là, celle où vos ancêtres pouvaient prononcer librement une phrase aussi incroyable et fataliste que « l’erreur est humaine » pour se disculper, simplement en haussant les épaules, vous comprendrez que la liste d’erreurs d’un seul individu pouvait être particulièrement longue. D’ailleurs vous n’êtes pas au bout de vos surprises mesdames messieurs, plus tard, nous pénétrerons dans la salle ou sont exposées toutes les erreurs cumulées de l’ère dite moderne.
Ce que je pointe de mon index, ici au centre de la salle, exposé au grand jour, est une œuvre d’art abstrait baptisée « A qui la faute ? » L’artiste qui a brossé ce tableau était sans doute dans l’erreur de penser qu’il faille à tout prix désigner un seul coupable pour une malheureuse bévue collective et lui faire porter seul, le poids de la culpabilité. Mais la profondeur du trait schématisant l’erreur d’appréciation conduisant à l’impardonnable bourde, qu’a su faire ressortir particulièrement ici et là par des zones d’ombre sur sa toile ce peintre naïf, en fait une des pièces maitresse de la collection de ce muséum. Sachez que peu de personnes semblaient être à même de reconnaître leurs erreurs en ces temps là, c’est ce que nous rapportent de façon évidente, des récits d’archive authentifiés.
Devant nous vous pouvez examiner le détail d’une aquarelle de style réaliste, mais néanmoins exécutée avec certaine maladresse. Le thème principal de cet ouvrage est la bavure. Le personnage représenté sur la droite vient de faire usage d’une arme à feu sous l’emprise d’une pulsion irrépressible, pensant qu’une bande de cambrioleurs s’était introduite de nuit dans sa propriété. C’était simplement son fils aîné et l’une de ses amies invitée qui s’étaient relevés pour se servir un verre d’eau fraîche. Vous apercevez à cet endroit en filigrane, quelques larmes en trompe l’œil…Cette oeuvre a été baptisée : Des armes puis des larmes.
Sous cette cloche de verre, vous pouvez caresser des yeux le tout dernier exemplaire d’un épi de maïs transgénique encore intact. Ce vestige symbolise la toute puissance que l’humanité, dans sa course au contrôle absolu, a à un moment donné, pensé pouvoir s’emparer au détriment de la nature, Une grossière erreur de jugement qui n’a fait que déclencher des calamités et semer des désastres.
Cet entrelacement de cordes sur canevas d’argile que nous voyons ici représente une erreur de parcours. Il est sobrement intitulé faiblesses et fredaines. Dans la population nombre d’individus semblaient se complaire à multiplier les aventures extraconjugales pour satisfaire à leur propre ego, avec pour conséquence à moyen terme de briser les cercles familiaux et les valeurs essentielles en lesquelles la société pensait pouvoir croire. De célèbres frasques et autres coûteuses méprises sont décrites dans des documents anciens. Ils témoignent de débauche, d’étourderie, de comportements instables et nihiliste qui marquèrent le début du déclin d’une civilisation.
Plus loin nous avons devant les yeux, un exemplaire du jeu des sept erreurs merveilleusement conservé. Jusqu’au 21e siècle, et vous n’allez en croire ni vos yeux ni vos oreilles, dévoiler au grand jour des erreurs commises intentionnellement par d’autres était considéré comme une occupation ludique passionnante, un moyen de détente et un sport cérébral. Heureusement depuis la suppression du droit à la marge d’erreur , abolition proclamée en 2472, et l’entrée en vigueur du moratoire en faveur d’une obligation de suivre à la lettre les normes de perfection, plus personne ne se laisse aller à ce genre de passe-temps ridicule.
Par ici mesdames messieurs, suivez le guide, si je ne me tompe pas… ( hem veuillez m’excuser cette boutade ), la visite continue dans le pavillon des erreurs de cinq taxes puis nous passerons dans l’aile ouest où se trouve la grande vitrine des accumulations de petites erreurs …