Je n’étais plus allé faire de diagnostique santé chez un médecin depuis qu’ils ont instauré la médecine à deux vitesses. Malgré des moyens limités et probablement insuffisants pour pouvoir m’acquitter des honoraires et des coûts d’analyse, j’ai convenu d’un rendez-vous.
A mon âge, il peut être rassurant de savoir s’il y a apparition de fissures, risque de fuites, si la corrosion a commencé à ronger l’acier de mes nerfs, s’il y des pièces d’usure à rafistoler. Définir s’il faudrait refaire la peinture ou rajeunir la décoration, effectuer des travaux d’équilibrage, procéder à un re-calibrage quelconque.
J’ai donné quelques gouttes de sang , ai rempli un gobelet d’urine, me suis prêté à un prélèvement de salive et ai pleuré à chaudes larmes sur une plaquette de verre. Il a collecté quelques perles de sueur sur mon front. J’ai accepté de sacrifier l’un des rares cheveux qu’il me reste !
Il m’a fait monter sur une balance, a écouté ma respiration au stéthoscope.
Le toubib a mesuré ma pression sanguine, a testé ce qu’il me reste de réflexes et a tenté d’écouter battre mon cœur. Il a aussi jaugé mon degré de toxicité et fait un topo complet sur mes probables allergies non sans parvenir à masquer une légère grimace.
Il a scruté le fond de mes oreilles, il a introduit une palette de bois au fond de la gorge, il m’a intimé l’ordre de lui dire « trente-trois », et puis allez, je m’arrête là, car la checklist était longue et puis finalement c’est mon corps, et c’est privé.
– Jusqu’ici, tout vous semble normal ? Lui ai-je demandé un brin nerveux en me rhabillant.
– On va attendre le résultat de toutes les analyses et on se revoit dans un mois ! M’a un peu sèchement répondu le docteur avant de prendre congé comme s’il avait un gratin au four.
…
Le temps ayant passé depuis la première consultation, je ne me rappelle plus la raison qui m’avait conduite à aller consulter pour un checkup ! Je ne suis même plus certain de vouloir savoir si je vais bien ou si la faucheuse passera me cueillir dans la semaine. Alors j’ai annulé le second rendez-vous chez le praticien. J’ai bien peur que je ne sois devenu un patient à deux vitesses.