Et voilà !
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Samedi passé à l’aube, c’était loin d’avoir conscience du danger auquel il s’exposait en participant à une préparation de sacs destinés à partir au point de recyclage, que mon brave index droit de droitier a été la victime d’une horrible attaque !
Le coupable du méfait, qui se cachait au milieu d’objets contondants, a frappé par surprise, infligeant à ce pauvre membre stratégique mais sans défense, une large et profonde entaille transversale.
L’auteur de la blessure n’était autre qu’une feuille de papier d’apparence innocente, armée contre toute attente d’un bord aussi tranchant qu’un scalpel.
Désormais envahi par les flammes de l’enfer, il lui était devenu impossible de pianoter du texte sur un clavier physique. Il lui était difficilement envisageable de pouvoir titiller des scrolls sur une roulette de souris informatique. Même l’idée de devoir aller swiper la surface d’un écran tactile lui était devenu insoutenable…
Heureusement qu’il me restait encore en réserve quelques-uns de ces doigts qui trainaient au fond d’une poche pour tenter de faire un petit dessin avec ma dernière main valide.
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L’autre jour, j’ai lu quelque part dans un extrait d’interview, qu’une actrice célèbre aurait déclaré qu’elle ne pouvait presque plus offrir de première impression. En gros, que ceux qui avaient déjà fait sa connaissance par écrans interposés, se seraient forgés une opinion quasi-définitive à son sujet.
Ma première impression de cet article a été qu’elle avait plutôt eu le fin nez de procéder à des tirs groupés de premières impressions, sans forcément avoir a y être confrontée en personne. Qu’ensuite les premières impressions réussies se sont naturellement regroupées en fans clubs ou en autant de terrains conquis. Qu’ainsi, un premier tri efficace à large échelle avait été effectué. Que tout cela à mon sens, avait toutes ses chances d’être un bon concept.
Suite à cette première analyse rapide, sa déclaration est allé garnir la pile des sujets de réflexion en attente.
Il y a eu cet autre jour où j’ai fait la découverte du poisson-spatule. Il était en suspension derrière un écran de verre et me fixait de son œil critique. Comme son nom le laisse supposer, cette espèce a été affublée entre ses yeux d’une longue spatule, qui mesure un bon tiers de sa longueur. Pour être honnête, ma première impression a été que c’était sans doute là, un poisson du vendredi. Non pas celui du jour où on serait tous éventuellement censés en consommer, mais celui du designer épuisé par la masse de travail accompli, se voyant tuer du temps sur un projet lambda en attendant son départ en week-end.
Serait-ce là le fruit d’une tentative de mutation qui aurait mal tourné ? Est-il un exemplaire unique dont la malformation aurait provoqué le rejet des siens ? Mais non, il s’agit bel et bien d’un modèle de série : Il y en a plein d’autres là-dedans et ils sont tous presque en tous points pareils !
Mais à quoi bon pourrait lui servir cette oblongue spatule ? Certainement pas d’écritoire ou de boîte à hameçons, cela parait évident. Une hypothèse plausible serait que cet outil proéminent lui serve à aller farfouiller dans une épaisse couche de vase, à la recherche de restes de granulés de nutriments ou pour y dénicher une âme sœur enfouie. Parce que de toute évidence, pour cette espèce en particulier, un bon repas en face à face ne promet pas que des sommets de romantisme.
C’est un coup d’œil sur la fiche technique du curieux spécimen qui m’apprend que son appendice nasal surdimensionné est bardé de haute technologie en matière de récepteurs sensoriels…
Et nous, qui avec le progrès, nous sommes habitués à cuisiner du poisson sans arêtes, sans œil, sans écailles, sans nageoires, qui ne colle pas dans la poêle, qu’on peut retourner facilement à l’aide d’une spatule profilée. Un ustensile basique dont on est soudain amené à découvrir que nous n’en sommes absolument pas à l’origine non plus !
C’est donc suite à ma seconde impression que je demande une fois de plus à dame nature de m’accorder son pardon et si possible, un supplément de largesses, pour l’avoir une fois de plus, un peu vite, suspectée de se livrer à des bricolages ridicules avec des pièces qui lui restaient sur les bras.
Voilà, aujourd’hui ce sujet est passé de la pile des sujets de réflexion en attente à celle des sujets à approfondir en attente. Un de ces jours, c’est décidé, je vais aussi prendre le temps de me pencher sur la fiche technique de cette fameuse actrice…
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Il paraît que c’est l’année du lapin ! Si vous n’y comprenez rien, ne paniquez pas : Pour moi aussi, tout ça, c’est du chinois.
L’autre jour un gamin qui trainait dans mon quartier m’adresse la parole alors que j’avais le nez sous le capot de ma fourgonnette et mes deux mains dans le cambouis juste en dessous.
Et ce jeune visiteur de me demander :
– S’il te plaît, dessine moi un lapin !
– Un lapin ? Mais qu’est ce que tu voudrais en faire ?
– Je ne sais pas encore ! Un signe.. L’incarnation d’une année.. un symbole chinois.. J’hésite, car ça dépend aussi du style de lapin que tu me dessineras…
– Ben… comme tu pourras peut-être le deviner mon p’tit gars, tu ne t’y es pas pris pas au meilleur moment pour que je te délivre une performance artistique sur mesure. Surtout qu’en ce moment précis, je pourrais tout juste te pondre un monochrome impressionniste brossé à l’huile moteur. Disons, par exemple, un gros plan sur une clé de douze sur canevas de chiffon tendu. L’avantage, c’est que cette prestation là ne me prendrait pas le reste de la journée…
– Ah, c’est dommage ! Et une carotte ? A la place du lapin, dessine moi une carotte, s’il te plaît ?
– Ca c’est une excellente idée jeune homme ! Et là, on est clairement sur un projet et des délais raisonnables. Si tu reviens d’ici une demie heure, sauf embrouille de dernière minute, je pourrai même te dessiner une autoroute de carottes…
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J'ai déliré sur ce texte à mon retour d'une visite guidée d'une usine de conditionnement de carottes. C'est difficile à croire, mais apparemment, quand c'est l'année du lapin, tout peux m'arriver...
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L’être humain passe le plus clair de son existence
A allumer des feux et à déclencher des explosions
Il a une addiction pour tout ce qui est flamme et déflagration
Il s’adonne même à des rituels faits de fumées et de pleins d’essence
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L’homme tient à entretenir la flamme sous sa marmite
Il voudra jeter de l’huile dessus bien avant la toute dernière braise
Ses yeux ne cesseront jamais de briller lorsqu’un pétard explose
Il se sentira toujours prêt à manipuler des bâtons de dynamite
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Ce bipède éprouve un plaisir maniaque à dégrader de la matière
La faute à un cracheur de feu qui a l’a captivé et rendu euphorique
A la moindre étincelle il se laisse aspirer dans une transe hypnotique
Quitte à oublier vite que le feu n’ajoute pas que sa magie dans l’atmosphère
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Bon allez, c'est midi et il est grand temps que je passe en cuisine. Je terminerai ce texte plus tard... C'est que moi aussi, j'ai mes priorités : Aujourd'hui au menu c'est grillade au feu de bois et crème brûlée au dessert.
Après m’être installé au fond de l’habitacle de la télécabine, voilà qu’en face de moi vient s’asseoir une fillette de 6 ans (+/-2 ans de marge d’erreur). Elle est équipée et casquée comme une future championne du monde de ski acrobatique. Ensuite, ce sont ses grands-parents qui s’engouffrent à leur tour pour prendre place dans la bulle de lévitation.
Comme souvent quand j’apparais dans l’espace d’intérêt visuel de l’un de ces petits êtres dits innocents jusqu’à preuve du contraire, je remarque que la petite m’observe attentivement de ses grands yeux tout ronds. Visiblement, elle s’attendait à ce que je lui joue mon numéro de clown.
Comme je ne suis pas un monstre, j’improvise un petit divertissement dans le but de détendre l’ambiance et de briser les glaçons. Naturellement la convivialité s’installe au sein de la bulle. A un moment, la graine de cascadeuse reconnait en contrebas une station de télésiège, évoque la piste noire qui longe cette installation et annonce solennellement qu’elle se sent carrément chaud-patate pour se la faire, malgré les réticences historiques de ses guides.
C’est à ce moment-là que je fais un gros bug de rendu en y allant de ce commentaire :
-Aaaah mais alors on a à faire à une casse-couille là !!!
J’étais confus ! C’était évidemment le mot « casse-cou » qui était initialement programmé pour terminer cette phrase lâchée à la volée et à en juger par l’expression impassible de la gaminette, elle n’y avait détecté aucune forme de lapsus. Pas vexée ni même piquée par mon commentaire maladroit et accidentel, elle semblait même compter sur l’éventualité que je puisse encore lui jouer un numéro inédit avant notre arrivée au terminus.
Je me confonds en excuses auprès de ses grands-parents qui pouffent de rire devant mon embarras.
C’est là que le grand-père de la petiote ajoute ce commentaire :
-On ne peut pas exclure que d’ici quelques années, elle ne soit pas un peu casse-couille ! Mais pour le moment, elle est vraiment adorable…
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Ce n’est pas souvent que je dégaine mon smartphone pour faire un selfie, mais quand ça m’arrive, c’est avec la ferme intention de révolutionner le genre et de rompre avec les dictats de la mode.
Mon intention n’était pas de chiper une bonne idée à une influenceuse, mais remarquez qu’ici, pas de guest star invitée à faire une quelconque singerie devant l’objectif. Pas de signe de victoire autoproclamée ni autre lamentable gesticulation des mains. Aucune maltraitance animale à déplorer. Pas de bouche en cul de poule ou de grimace à bec de canard à regretter. Pas de langue pendante puérile ou inutilement agitée à l’air libre. Absence totale de délire cosmétique et décoratif et même pas un tout petit doigt farfouillant le fond d’une narine à se mettre sous la dent.
C’est LE concept sobre, authentique, efficace, sans retouches et surtout, il est hyper-durable.
Faites péter les likes !
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Il était une fois une histoire de coup de foudre entre un brave gars qu’on disait vraiment peu loquace et une fille réputée ne point compter parmi les moins réservées de la région.
Des années durant, ils se sont abstenus de faire des grandes déclarations et c’est en bonne entente, le jour de leurs noces, qu’ils se sont dit oui, sobrement.
Et de même par la suite, jamais un seul éclat de voix, pas la moindre prise de bec, pas de gros mots ni de bavardages inutiles. Et de manière générale, au quotidien, ils savaient se tenir éloignés des grands et des beaux discours.
Dès le début de leur relation, ces deux-là n’avaient plus rien à se dire, alors ils n’en sont jamais arrivés à devoir se le reprocher. Il était homme de peu de paroles. Elle était l’introvertie parmi les modèles de discrétion.
Lorsqu’il m’était arrivé de questionner ce brave gars, déclarant au passage le suspecter de détenir le secret de la télépathie, j’ai eu beau tenter de lui tirer les vers du nez. Mais de la véritable nature de son privilège, il ne m’a jamais soufflé un traitre mot.
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-Dis papa, c’est vrai que tu viens d’un monde parallèle ?
-Mais qui t’a raconté ça ? Hooo, c’est tout ta mère ça… Cette créature des marécages est décidément incapable de tenir sa langue…
-Mais alors, c’est vrai ?
-Évidement, puisque c’est ta mère qui l’a dit…
-Et c’était comment là-bas d’où tu viens ?
-Oh rien de plus qu’un monde de légende comme les autres. Tu sais dans le genre arcs-en-ciel, licornes, bisounours etc …
-Euh mais chouêette !
-Ah oui c’est vrai ! On avait des chouettes aussi…
-Et pourquoi tu es parti alors ?
-Un voyage initiatique. Je voulais découvrir autre chose que mon monde parfait. Je disposais d’une fenêtre d’une semaine pour venir visiter ce monde ci. Ça semblait court pour en faire le tour, mais à l’agence de voyage, ils m’avaient déconseillé de chercher à tenir plus longtemps.
-Mais finalement tu es resté quand même…
-Ca c’est à cause de ta mère. Cette vilaine sorcière ma envoûté ! Le passage s’est refermé et depuis ce jour là, je suis bloqué ici à attendre le prochain wagon qui n’est pas prévu pour ce siècle.
-Et tu as du t’habituer à vivre dans notre monde ?
-A survivre plutôt ! J’ai du apprendre à chasser, à pêcher, à cueillir les fruits les plus appétissants. A mon arrivée, ce n’était pas encore le monde à peu près civilisé que tu connais aujourd’hui. C’était peuplé de sauvages qui passaient leur temps à se crêper le chignon et infesté de prédateurs qui se bouffaient entre eux. Et ça, que ce soit sur terre, dans les airs ou dans les eaux…
-Mais alors, c’est une dent de dinosaure ou de requin sur ton pendentif là ?
-Non ça c’est un souvenir du soir où j’ai rencontré ta mère dans une boîte de nuit. Cette imprudente s’était entichée de l’un ces vampires repoussants qui pullulaient dans les bas quartiers.
-Quoi… Maman ???
-Ben oui ! Mais tu comprendras ça plus tard mon fils. Quand les jeunes filles ont leurs premières chaleurs, elles ont cette fâcheuse tendance à faire des choix complétement insensés.
-Alors toi, tu as sorti le grand jeu pour attirer son attention, pour qu’elle décide finalement de t’envoûter toi ?
-Ah ben non. A l’époque ça ne marchait pas encore comme ça. J’ai dû sortir mon arbalète et procéder à un tir de régulation. Il fallait que j’empêche ta génitrice de faire la connerie de sa vie et aussi que je sauve la tienne mon p’tit gars…
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L’article précédent était en gestation depuis fort longtemps. Il n’avait cessé d’évoluer au fil du temps. L’esquisse de l’illustration prévue pour l’accompagner existe aussi.
Au moment de sa publication, je m’étais dit : – Et voilà : C’est écrit !
Ne reste plus qu’à terminer le dessin, à l’officialiser et cette fois, le sujet est plié…
Et ensuite, en route vers de nouveaux petits délires !
Mais, rien à faire ! Malgré la publication, le dessin en question refuse obstinément d’être finalisé et de sortir de sa cachette ! Il possède le pouvoir d’anesthésier chacun de mes élans de créativité.
Il faut dire qu’il en a bien bavé le pauvre. Il a pour vocation d’endosser une certaine représentation de mon équilibre, ce qui n’est pas gagné d’avance. Au départ, il avait du adopter la forme d’une balance complexe. Un modèle inventé de toutes pièces pour m’assister dans cette recherche.
A l’origine, sachant que les paramètres de répartition des masses étaient nombreux, nous avions opté pour une solution à un plateau de pesée par élément susceptible de faire pencher la balance. Ce qui rendait impossible l’utilisation d’un instrument courant du marché.
Au fil de ses évolutions, la machine a changé plusieurs fois de structure. L’une des premières était une espèce de carrousel de plateaux de pesée se balançant en équilibre sur une pointe située à l’extrémité d’un axe central.
En simulation, j’empilais des éléments important ici. Et puis d’autres du côté opposé, pour contrebalancer. En veillant avant tout à ce que l’ensemble ne bascule pas.
Mais le jour suivant, c’était la liste des éléments nécessaires pour tendre vers un équilibre parfait qui s’allongeait et qui remettait une fois de plus un concept encore bancal en question.
Au pire moment de son évolution, la balance de mon équilibre ressemblait à une espèce de grand lustre suspendu au plafond. Avec, en lieu et place de chaque lampe, un petit plateau chargé de peser lourd lorsque ce n’était pas de compenser…
Mon fastidieux instrument de mesure était devenu trop lourd à gérer. Il a fallu en concevoir une version allégée. J’ai agrandi la taille des plateaux et en ai considérablement réduit le nombre. Puis j’ai dû répartir toutes les différentes charges dans des groupes de catégorie poids-lourd.
Je savais depuis longtemps que de l’humour pouvait peser de tout son poids dans ma balance. Et qu’un afflux de nouvelles angoissantes ou déprimantes faisait partie des facteurs déstabilisants.
Par contre avant d’y prêter attention, je n’avais jamais été en mesure de prendre pleinement conscience que pour moi, un équilibre bien dosé entre réalités et fictions était une clé essentielle de stabilité.
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Une tendance à la mode serait de naviguer en permanence dans une réalité augmentée de technologie. De pouvoir évoluer dans un univers paramétrable et au rendu factice, où tout ne serait plus que spectacle de rêve et jeu d’enfant.
Mais un quotidien fait de réalité et de fiction passés au mixer n’est pas l’approche qui me convient. Ce serait plutôt une formule pouvant servir à raconter de bonnes histoires.
Enrichi des résultats de mes mesures, j’ai redéfini la recette de base pouvant servir à lisser mes journées. Je n’hésiterais pas à aller voir une comédie romantique après une dispute de couple.
Tiens ? Ça fait un bout de temps que je n’ai plus vu passer d’idées noires. C’est probablement que je sais un peu mieux qu’avant comment empêcher mon bien-être existentiel de vaciller !
Les plans de ma balance ont encore changé. J’ai envoyé le modèle sophistiqué au musée et l’ai remplacé par une batterie de balances élémentaires. Une modularité et une flexibilité qui me paraissent aujourd’hui être la solution la plus appropriée…
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