Fuck the system solaire

Mes tous premiers pas d’extraterrestre, je les ai faits sur la lune en compagnie de Tintin le reporter et de son sidekick, le vieux loup de mer barbu. Pour que l’expérience soit la plus complète possible, nous avions choisi de nous y rendre un jour où elle était bien pleine et lumineuse. Notre séjour là-bas n’a pas duré une semaine, parce que sur place, c’était vite un peu la déprime. Il faut dire qu’il n’y avait pas la plus foisonnante des biodiversités, qu’on ne tombait pas en pâmoison devant l’exubérance des styles et des matières et qu’on ne frissonnait pas longtemps devant la richesse de la palette de couleurs. Ce parc d’attractions était vaste, mais il n’y avait pour ainsi dire qu’un seul thème à choix et il y était particulièrement récurrent.  En gros, une fois que t’avais fait le tour d’un cratère ou deux, que t’avais shooté tes selfies, tu te réjouissais de rentrer pour retrouver l’atmosphère reposante de ton bercail. Et puis Milou a été le premier à se plaindre du mal du pays déjà en arrivant, après y avoir vainement cherché un arbre pour se soulager.

Mais comme on dit toujours, ce qui compte avant tout, c’est évidemment la découverte, l’aventure et l’enrichissement…

Un peu plus tard à l’école, lorsque ce fût mon tour de partager mon premier exposé devant la classe, c’est ce voyage lunaire qui m’avait conduit à choisir le thème du système solaire. Ce sujet de thèse pourtant universel, n’avait pas une minute envoyé mes petits camarades sur orbite. Beaucoup semblaient bombardés par des pluies de météorites de somnolence, d’autres cherchaient visiblement un moyen de cintrer la trame de l’espace-temps pour profiter d’un raccourci vers l’heure de la récréation. J’en apercevais certains nourrir l’espoir de voir l’orateur soporifique et son discours barbant, aspirés par le gosier béant d’un trou noir. Même le prof semblait parfois se demander si j’avais vraiment eu les pieds sur terre au moment de choisir de disserter aussi longuement à propos de lointaines géantes gazeuses et de boules de glace exemptes de chocolat et de vanille.

Mais comme on dit toujours, ce qui compte avant tout, c’est évidemment l’échange, le partage, l’enrichissement…

Ça m’a intrigué lorsqu’ils ont envoyé un robot d’exploration à chenillettes sur la planète Mars. « Hé machine, va donc jeter une lentille autofocus sur place. Il se pourrait qu’en fouillant bien, tu y déniches une ou deux gouttes d’eau fossilisées et quelques vestiges de bactéries ». J’observais avec grand intérêt si l’automate visiteur ne souffrirait pas d’un problème de parachute à l’arrivée et comment il allait s’y prendre, une fois égaré dans ce vaste désert rouge et ocre à 99,9%, pour surmonter le choc de l’addition de ses nombreuses déceptions en vivant son rêve de rencontre avec d’accueillants petits hommes verts au détour de chaque caillou poussiéreux. Comment il ne craquerait pas et ne finirait pas par autodétruire ses panneaux solaires à grands coups de bras articulés et de perceuse à substrats rocheux. Comment il ne perdrait pas petit à petit toute sa foi en la fameuse promesse de départ de son chef de mission, celle qu’on enverrait très vite d’autres volontaires kamikazes en renfort pour le décharger et lui tenir compagnie.

Mais comme on dit toujours, ce qui compte avant tout, c’est évidemment la science, la conscience, l’enrichissement…

Mon espace vital actuel se trouve sur la petite planète bleue. C’est la troisième à partir de l’étoile en flammes située au centre du système. Plus précisément dans un petit pays à peu près au milieu du continent européen. Aux infos, ils ont dit que la consommation nationale annuelle de ressources nécessitait 3 planètes. Alors j’ai ressorti de mes tiroirs la documentation de ma thèse pour étudier la question. Pour les deux astres qu’il nous manque, j’ai choisi Jupiter et Saturne. Déjà parce que les anneaux de Saturne, pour moi visuellement, ça en jette, mais à un niveau carrément intergalactique. Mais aussi parce qu’elles sont toutes les deux principalement constituées d’hydrogène et d’hélium. Il parait que l’hydrogène, ça sera le carburant du futur, alors autant porter mon choix sur des planètes qui n’en manqueront pas de sitôt. C’est que les carburants, on y est un peu accros par ici. Et puis l’hélium, c’est toujours utile pour gonfler des ballons festifs et pour faire la voix idiote qui fait rire tout le monde et à tous les coups. Et si un des ces jours on devait passer à une consommation de quatre planètes, on a encore de la marge. Il en restera encore quelques-unes en réserve et ça, déjà rien que dans notre système à nous…

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Quelque part en Nouvelle-Zélande > Source IG/Twitter lola.photo

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