Mon cauchemar préféré

Il était une fois une nuit, au cours de laquelle, j’ai fait deux mauvais rêves au lieu d’un seul. Et moi, imprudent notoire, ce n’est certainement pas dans le domaine de mes rêves que j’avais pensé fixer des limites. C’est sans hésitation le premier des deux qui est resté mon préféré.

Je me suis réveillé dans un lit qui n’était pas le mien. Il faisait déjà jour dans une chambre qui m’était inconnue. Chose inhabituelle, j’étais allongé sur le dos, le nez pointé vers le plafond d’un monde qui n’avait pas l’air du mien, car j’y ai immédiatement noté la présence, en suspension et en quantité inquiétante, de taches blanchâtres de différentes tailles. Cette scène d’éveil, dans mon champ visuel était comparable à un banc de petites méduses fantomatiques immobiles, parsemant assez uniformément tout mon espace aérien.

Jusque ici, l’air de mes rêves avait toujours eu l’air de rien. Il avait juste l’air pur, l’air respirable et rien de plus. Jamais de quoi devoir me pincer le nez ni même une autre partie du corps pour vérifier si je rêvais. L’air ? Ce n’était que du vide parsemé de molécules, toutes assez innocentes et discrètes pour que je ne m’en soucie guère. Rien qu’une bonne cachette pour des atomes timides et sobres, tous présumés fréquentables et au-dessus de tous soupçons. Il m’arrivait tout au plus parfois, d’y détecter quelques minuscules particules volantes trahies par un rayon de lumière. Mais jamais rien d’inquiétant : De simples poussières stoppées et refoulées à la frontière de mon appareil respiratoire par ma pilosité nasale ou je ne sais quel autre miracle de la nature savamment maitrisé de longue date par les bons soins du docteur Matusalem.

Je pense pouvoir affirmer que dans tous mes rêves à ce jour, cauchemars compris, il ne m’était jamais arrivé de devoir planer de jour ou de nuit à l’intérieur du nuage de pollution d’un ciel de métropole ! L’air de mes rêves avait toujours été des plus purs !

Mais ce jour là, cet air d’ordinaire anodin m’avait fait la surprise de se manifester en me révélant son existence. En s’exhibant sans discrétion en compagnie d’un attroupement d’énigmatiques invités.

Emporté par ma stupéfaction, j’ai improvisé quelques mouvements pour tenter de réveiller les méduses endormies qui se tenaient à ma portée. La première chose que j’ai constaté, c’est que l’air n’avait pas du tout la densité habituelle. L’air s’était comme … matérialisé ! Je pouvais le toucher, le saisir, le manipuler. L’air s’était transformé en une matière nouvelle. Une substance dont la consistance se situait quelque part entre celle de l’air d’avant et celle de l’eau pure de toujours. Intrigué et sans décoller ma tête de mon oreiller, j’ai enchaîné avec une nouvelle série de gestes aériens. J’ai palpé, taquiné, tripoté cet air nouveau. J’ai tenté avec une prudence vertueuse, d’entrer en communication avec cette troupe de visiteurs d’apparence gélatineuse. Et peu à peu, ce cauchemar à rejeter dans la minute, se métamorphosait en péripétie des plus amusantes et agréables à vivre…

C’est probablement un réflexe de survie qui m’a précipitamment éjecté de cette situation potentiellement dangereuse lors de ce premier contact : Il m’avait réveillé en sursaut de mon réveil imaginaire : Un peu plus que déçu il est vrai, car resté sur ma faim de n’avoir pu poursuivre à ma guise ces échanges intéressants avec cette mystérieuse découverte. Lorsque j’ai une fois de plus agité mes bras, l’air avait perdu cette consistance de rêve et n’y restait plus trace des présences calmes flottant entre deux airs. Elles avaient toutes disparu et peut être à jamais !

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C’est remis de mes émotions que j’ai tenté d’y retourner, animé du mince espoir de pouvoir reprendre et poursuivre cette passionnante exploration. J’ai pu rapidement repartir, mais la destination du voyage n’a pas été la même :

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Dans le second cauchemar, les créatures paisibles avaient laissé place à deux serpents bleus trop affectueux à mon égard. Je pouvais aisément les identifier, car l’un d’eux était d’une nuance plus turquoise que l’autre. Il s’agissait des animaux de compagnie de deux invités de mes colocataires que je connaissais à peine et qui ne réagissaient pas à mes appels au secours, quand les reptiles de leurs amis s’enroulaient à leur guise autour de mes membres ou venaient se pendre à mon cou. J’ai repris la première navette express pour la vie réelle et n’ai pas boudé une seconde de mon plaisir de rentrer au bercail. Vérification faite, ces serpents bleus existent bel et bien dans la nature ! Mais la seule chose que je souhaite retenir de cette flippante aventure, est que j’étais pour une fois certain d’avoir cauchemardé en couleurs et en haute définition et pas seulement en 16 niveaux de gris.

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