Perte de sensibilité

Perte de sensibilité

Je pense que ça fait trop longtemps que je trimbale mon téléphone portable dans la poche de gauche de mon jeans. Pourquoi dans la gauche ? Tout simplement parce que c’est dans celle de droite que je range mon porte-clefs, que je reste un incorrigible droitier en matière de clefs et que j’applique le principe de précaution suivant : Celui d’éviter que mes clefs ne puissent rayer l’écran tactile de mon téléphone portable lorsqu’il m’arrive encore de décider de laisser mon automobile au parking et d’aller marcher un peu. Et les poches de derrière dites-vous ? Elles ont été volontairement ignorées dans cet article, parce que là on irait un peu trop au contact de ma sphère privée…

En effet, j’aurais pu opter pour un étui ou une coque, pour un trousseau de cuir à fermeture éclair, voire même éventuellement pour un sac à main, mais voilà… à un moment donné, je m’étais organisé comme cela et jusqu’à avant-hier, je n’avais jamais imaginé remettre en question cette toute personnelle tradition…

Là sur ma gauche, il me rappelle son existence, lorsqu’il lui arrive de se mettre à vibrer. Il m’affiche la date et l’heure exacts. Il me permet de prendre des notes, d’improviser des clichés. Il livre et me délivre mon courrier et m’afflige de mes spams. Il rafraîchit mon angoisse quant aux dernières nouvelles du monde et j’en passe…

Ma poche de gauche est connectée avec le temps et le lointain. Ma poche de droite me garantit l’accès à mon oreiller et à mon airbag. Chaque chose à sa place et du bon côté !

Suite à de récentes et surprenantes observations, réagissant à l’un de ces bouillonnements contestataires dont je suis coutumier, j’ai déniché un créneau de libre entre deux contrariétés contemporaines et ai pris la liberté d’y agender une séance extraordinaire de direction . Il s’agissait d’urgence de faire le point avec moi-même quant à l’immuabilité de mon organisation et de m’accorder le temps de réflexion nécessaire à étudier l’éventualité d’une à priori semble t’il fort probablement nécessaire restructuration.

Il faut dire qu’une régulière sensation de picotement et de perte de sensibilité du haut de ma cuisse gauche (celle qui est connectée) me laisserait à penser qu’elle a mijoté au fil du temps et à feux doux, ainsi exposée aux rayonnements de la « G » du moment.  (Un peu comme 3 secondes dans un four à micro-ondes réglé sur 0,2)  N’étant pas à ma connaissance plus hypocondriaque que cela, j’avais dans un premier temps diagnostiqué l’un ou l’autre de ces problème dermatologique à la mode : Une allergie tout à fait naturelle pour 6% de la population aux produits de lessive, au gel douche ou alors une fâcheuse pour 8% (et malchanceuse pour 5,2%) réaction aux cochonneries que l’industrie agro-alimentaire incorpore sans grand égard pour moi en particulier, dans les sauces et dans la bouffetance industrielle.

C’est suite à une étude comparative (partant de l’idée qu’un être humain n’est pas une entité sommairement symétrique, mais quand même)  suivie d’une contre-étude évaluative et circonstanciée portant sur l’ observation de la sensation de base sur le haut de la cuisse gauche (celle qui es connectée) versus la perception sensorielle mesurée sur celle de droite (celle qui ne l’est pas) que le niveau d’alerte est passé d’un seul bond de l’orange foncé au rouge ! (Je vous rassure, je ne souffre absolument pas aujourd’hui. A mon âge, une certaine usure serait chose tolérable)

Pour résumer et dans les grandes lignes, lors de ladite réunion de crise avec mézigue, c’est bel et bien une restructuration de mes habitudes de toujours qui a été décidée et à l’unanimité, sans abstention aucune.

En voici un bref extrait en exclusivité :

  1. Ne sera dorénavant plus escorté en permanence de l’omniprésent dispositif portable potentiellement nuisible à long terme pour le gigot du côté gauche.
  2. Investira immédiatement dans une montre-gousset mécanique pour ne pas, pour autant, perdre en ponctualité lors des sorties non accompagnées (Même s’il devra pour cela se prendre la tête à apprendre à déchiffrer les chiffres romains )
  3. Ne consommera à l’avenir de l’information en continu que dans son fauteuil, avec parcimonie et en total rapport avec sa capacité de résistance émotionnelle. (Les recherches sur l’impact à long terme de l’info en continu sur les cerveaux en sont encore au stade préliminaire. Une publication en catastrophe des résultats aux abonnés premium est prévue aux alentours du printemps 2062)
  4. Se reconstituera une vie sociale sans forcément devoir faire appel à des intermédiaires spécialisés comme les réseaux en ligne.

 

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