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Espresso (Ma non Troppo)

Je me suis arrêté dans ma ville natale pour y prendre un café. J’y avais séjourné jusqu’à mes dix ans d’âge. Cette cité ne s’attendait plus à une nouvelle visite de ma part. D’ailleurs aucun citadin n’était présent sur mon passage pour parsemer l’avenue de pétales de roses. Les concitoyens supposés venir clamer leur joie le long des trottoirs pour fêter mon grand retour n’avaient pas été prévenus. Mais heureusement, personne non plus n’avait fait le déplacement pour venir projeter sur moi des regards de travers, en souvenir des mille bêtises de garnement espiègle que j’avais bien pu commettre dans ses immeubles et dans ses rues. Il ne s’agissait que d’un rapide retour aux sources, sans les tambours, ni les trompettes. Une réapparition en toute discrétion. Bien sûr, cette excursion n’a pas manqué de rafraîchir son lot de souvenirs d’enfance et de convoquer le parcours de quelques frissons de nostalgie…

Tout a commencé par le souvenir de la boulangerie du quartier. Celui-ci déclencha une irrésistible envie de passer commande d’un croissant frais du jour pour accompagner mon espresso. A cette époque-là, j’étais toujours premier volontaire pour la corvée du bon pain tout frais du matin. Et la fille de ce boulanger là, ne pouvait clamer une quelconque innocence dans cet attachement. Je me rappelle de son prénom ! Alors que je serais volontiers coutumier d’un oubli de patronyme en moins d’un an. J’étais un galopin timide, mais à la fois également doté de sentiments ardents. Une fois vaincus un à un les obstacles du caractère embarrassant de ma nature pour faire la connaissance de la belle, c’est mon tempérament fougueux de préadolescent inexpérimenté qui l’a subitement enlacée et plaquée à l’horizontale sur les sacs de farine entassés à la cave de la boulangerie. C’est son paternel, lui aussi bien occupé entre deux tresses, qui nous avait surpris en position délicate et qui avait mis un frein à toutes ardeurs câlines. A la suite de cet épisode précoce, c’est évidemment le pôle nord de ma nature encombrante et hésitante qui avait repris tous ses droits et pour plusieurs longues années. La petite boulangère ne m’avait d’ailleurs plus jamais ensuite invité à visiter les entrepôts de l’entreprise familiale, ni même laissé explorer le confort de sa chambre à coucher. Ce qui m’avait laissé comprendre qu’elle avait été prise plus au dépourvu que par consentement, en réaction à mon vif désir de lui témoigner toute l’intensité de mon affection pour elle. Que je serais peut-être favorablement inspiré d’ajouter encore quelques échelons intermédiaires à mon impétueuse personnalité en construction…

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A suivre, peut-être …

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