J’ai plaqué mes deux pouces bien à plat sur les poignées de mes bâtons, pris une profonde respiration, fermé les paupières et ai improvisé une séance de spiritisme :
– Esprit de compétition, est-tu là ??? (écho, 3x)
Mais c’est hélas sans réponse de l’intéressé que j’ai du m’élancer sur la piste…
Il s’agissait d’une course de rattrapage. A vue de nez, je portais un numéro de dossard situé entre cent-quarante et deux-cents.
La veille, j’avais tenté de me soustraire à vie à une participation éventuelle à cette épreuve. J’aurais accepté sans ronchonner d’être classé bon dernier sur simple entente forfaitaire. Mais c’était le règlement qui stipulait que mon temps à l’arrivée et mon classement se devaient de figurer, avec ou sans mon consentement, dans le petit carnet officiel de mes exploits sportifs personnels.
J’avais conscience que mon échantillon d’esprit de compétition reposait en paix dans un congélateur et pouvais présager que nos fédérations nationales des sports d’élite allaient sans doute devoir se passer de mes futurs titres et médailles.
La trace labourée par les volontaires était profonde et le parcours avait été consolidé par un impitoyable gel nocturne. L’existence de ce sillon verglacé présentait un avantage certain pour moi : Je n’aurais donc pas à décoder la configuration des portes suivantes à chaque virage. Je pouvais slalomer sans prises de tête à condition de ne pas m’éloigner de l’ornière. Mais c’est pourtant en me concentrant sur le point de fuite de la trace, qu’une vision prémonitoire m’a propulsé sur la pente impressionnante d’un champ de neige poudreuse toute fraîche : Je m’y suis vu en train de godiller comme un expert du déhanché en figures libres ! Et j’étais chaussé de skis miraculeusement raccourcis de moitié.
Puis j’ai franchi le portique d’arrivée sans avoir raté une seule porte et surtout sans me faire éjecter du tracé par l’imprévisibilité des éléments. Et bien évidement aussi, sans arracher un chrono digne d’une place d’honneur sur une marche du podium.
C’est à partir de ce jour-là, que j’ai cessé d’invoquer le spectre de mon esprit de compétition et que j’ai adopté ma vision plus personnelle des plaisirs des sports d’hiver. Évidement mon adaptation à la godille dans les champs de poudreuse n’a pas été aussi instantanée que dans ma vision. Mais l’avantage était que quand, avant de me lancer, j’invoquais le soutien de mon esprit de contradiction, il était toujours au rendez-vous !
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< Ce petit rappel pour informer les anticonformistes que pratiquer le hors-piste peut aussi se révéler être une activité dangereuse et qu’elle est fortement déconseillée selon les périodes et les endroits. >
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