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Le train en provenance de Rome

J’ai récemment pu assembler quelques pièces de plus de mon puzzle historique !

Quand je n’étais encore pas plus haut que trois pommes, nous habitions en ville de Zürich chez mon grand-père maternel. Je ne sais pas si dans sa jeunesse il avait aussi fait partie des Waldstätten, mais en tout cas, on m’avait confirmé qu’il avait bel et bien été garde suisse au Vatican. J’aurais aimé assister à l’un de ses combats à la hallebarde, mais tout ça c’était avant ma naissance. J’étais surtout intrigué par leurs uniformes hauts en couleurs, conçus pour ne passer presque inaperçus, qu’à l’intérieur de ma grande caisse de briques Lego.

Je savais aussi que plus tard, il avait changé de voie et était revenu au pays pour devenir cheminot aux chemins de fer. J’ai pensé que c’était parce que tous les chemins de fer mènent à Rome et donc, permettent aussi un jour d’en revenir…

Un soir, pour des motifs que j’ignore, mon grand-père et moi nous sommes rendus à la gare centrale de la ville. C’était à l’heure de pointe et il y avait foule sur les quais. C’est peut-être parce que j’étais le seul petit nain coincé au milieu de tous ces géants, que j’ai été pris de claustrophobie ou suite à un autre paramètre déclencheur que j’ai oublié : mais j’ai soudain décidé de lui lâcher la main et de lui fausser compagnie ! C’est là qu’il a réalisé qu’il valait mieux être au service de la sécurité du Pape que d’officier dans la garde rapprochée de son fugitif en herbe de petit-fils. Je me rappelle qu’il avait pu me récupérer au service d’accueil des jeunes filles de la gare : Je l’attendais, sagement installé sur les genoux d’une admiratrice prête à signer les papiers d’adoption au cas où mon patriarche ne devait jamais venir se présenter aux objets trouvés. Je présume qu’ils avaient diffusé une annonce dans tous les haut-parleurs de la station pour lui indiquer l’endroit où j’avais trouvé refuge et que ma fugue l’avait rendu furibard !

Quelques années plus tard, c’est lui qui m’avait invité à mon tout premier enterrement. C’était le sien. C’était à une époque où se rendre à des obsèques vêtu de bleu marine pouvait déjà être considéré comme un brin trop provocateur. Mais moi, pour coller un minimum avec le style rock n’roll de la tenue qu’il portait au cours de ses années de garde, j’ai enfilé de longues chaussettes rouge vif sous un pantalon un poil trop court. Il faut dire que pour moi, les chaussettes noires, c’était réservé à la joyeuse bande de troubadours à bananes d’Eddy Mitchell !

La touche excentrique de ma tenue vestimentaire de deuil est restée gravée dans toutes les mémoires présentes ce jour là et elle déclenche aujourd’hui encore quelques hilarités familiales. Mais pour une fois au moins, je n’avais pas pu foutre les boules à mon grand-père ! C’est d’ailleurs peut-être un peu en réaction à cette extravagance que ma mère a décrété qu’il n’y aurait désormais plus jamais d’eau à la cave et m’avait condamné à une longue et lourde peine de pattes d’eph au moment où ça venait de passer de mode à ringard…

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