-La planète Terre c’était bien vous ?
-Oui et ça fait déjà un sacré bail !
-Alors nous sommes allés visiter l’endroit. Au niveau visuel, des rendus esthétiques, du choix des matières et des couleurs, de la diversité de la végétation en général, cette belle idée d’une couche atmosphérique avec des nuages en suspension, ces sculptures de reliefs accidentés, ces océans avec des vagues ainsi que ces fonds sous-marins spectaculaires, ces vastes étendues désertiques,les glaces des pôles, globalement et nous sommes unanimes, tout cela est plutôt réussi. Les cycles lunaires aussi, nous ont enchanté. Et puis les événements ponctuels et périodiques, comme les éruptions volcaniques, le déchainement des éléments, les flocons de neige, tout ça nous a bluffé, c’est de la belle création et nous vous en félicitons !
– Oh c’est gentil de votre part merci ! C’était mon coup d’essai. Un projet assez audacieux que j’avais plié en une semaine. Et j’y avais aussi produit et installé une biodiversité complexe de créatures vivantes. Aujourd’hui encore, l’ouvrage grouille d’êtres capables d’évoluer et de se reproduire !
-Oui sur place, nous avons observé le développement de ces espèces. Et certaines d’entre-elles doivent chasser pour subsister parce qu’elles n’ont pas été conçues pour se contenter de la cueillette de fruits et de légumes. Je vous avouerais volontiers que sur ce point précis, nous avons été un peu moins émerveillés. Depuis le dernier audit, certaines espèces intéressantes se seraient éteintes ou auraient été éradiquées. Ce sont des détails qui parfois donnent à votre fresque un aspect assez inquiétant.
-Ah mais ça c’était pour que ces créatures prennent conscience de divers dangers. L’idée était de les contraindre à développer des instincts et des stratégies de survie. Je ne souhaitais pas qu’elles restent simplement figées là, à se prélasser dans une ambiance bucolique et ennuyeuse. Qu’elles subsistent en bonne entente avec tout un chacun sur un astre de catégorie paradisiaque. J’avais fourni des occupations spécifiques à chacune de ces créatures. Mon projet était de créer une œuvre évolutive. Une représentation vivante de la capacité de perpétuation et d’autodestruction. Une démonstration de la potentialité d’une nature morte en formation .
-A ce propos, nous avons cette fois-ci constaté que c’est une espèce de bipèdes en particulier, qui se profile comme étant la plus compétente pour abîmer durablement votre réalisation. Ne serait-il temps, une fois de plus d’intervenir pour une correction, avant que cette espèce invasive ne saccage tout ?
-J’y ai pensé mais pour diverses raisons qu’il serait long de développer ici, j’ai abandonné cette option. Certes, j’aurais pu agrémenter ce monde d’une dimension quasi-éternelle, mais au lieu de cela, j’ai insisté sur ma vision de l’ébauche grandiose. J’ai réhaussé un certain arrière-goût d’inachevé. Et je vais me borner à contempler ce destin magique et tragique en corrigeant le cahier des charges d’origine. Je vais laisser la matière se craqueler en apprenant de mes erreurs de débutant. Avant d’éventuellement, si toutefois mon inspiration reste intacte et puisse subsister, d’entreprendre de créer une version alternative améliorée d’une réalisation de ce type.
-Disposez-vous déjà de quelques exemples de modifications à nous divulguer ? Des erreurs que vous ne reproduiriez pas dans le cas de la genèse en repartant de zéro d’une Terre 2.0 ?
-J’ai constitué une liste d’éléments de base que je n’intégrerais probablement pas dans la nouvelle œuvre. Par exemple typiquement, certains de ces éléments radioactifs pouvant brutalement mettre en péril la conservation de celle-ci. Géologiquement, je rectifierais également toutes les conditions pouvant accidentellement mener à l’apparition de pétrole. Parce que cette matière-là en particulier, a le pouvoir de rendre très dangereux et extrêmement méchants, certains bipèdes parmi les plus destructeurs d’entre eux…
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