Douces mobilités

Nous habitions pas loin du centre-ville, au troisième étage d’un immeuble locatif. Notre balcon donnait sur la rue au-dessus du trottoir. J’étais trop jeune pour obtenir un permis de sortir à ma guise pour explorer la mécanique des rouages de notre vaste monde. Ce fût donc de cette modeste plateforme, que j’avais commencé à observer la multitude de mouvements extérieurs.

En bas, se profilait une large rue droite et en pente. Je n’avais que peu de déplacements de piétons à épier et m’étais rabattu sur les mécanismes de la circulation des personnes. Dehors, les automobiles ne ressemblaient pas à celle que je voyais défiler dans notre poste de télévision. Elles étaient presque toutes repeintes avec des couleurs vives. Et il y avait aussi de nombreux trolleybus qui remontaient la rue en s’accrochant fermement à nos deux câbles tendus. J’avais noté que ces véhicules-là étaient tous d’un bleu uniforme. Visiblement, tout le monde achetait le même modèle. Au loin, sur la grand place, point de départ de ma rue, il y avait une importante station de trams animée de mouvements de foule ponctuels.

Il aurait fallu déménager pour que je puisse étendre mon étude à ce trafic là dans des conditions optimales. J’en étais donc arrivé à la conclusion que, pour les besoins de mon enquête, je devais petit à petit prendre le contrôle de mes propres déplacements. J’avais probablement su en convaincre mes parents pour qu’ils me fassent cadeau d’une rutilante trottinette accompagnée d’un contrat d’investigateur en mobilité douce.

J’étais passé d’observateur de perchoir à chercheur de terrain sur balconnet mobile ! Et je participais à un programme de fiabilisation de chambres à air, travaillais en tant qu’harceleur de semelles et servais les besoins de la science en qualité d’inspecteur de colles à sparadraps. Je donnais également beaucoup de ma personne dans l’élaboration des produits désinfectants du futur qui ne piqueraient plus.

Un jour je m’étais fait voler mon premier prototype pourtant soigneusement garé dans le corridor de notre immeuble. Une mésaventure qui pour moi s’était révélée être le signe que je participais au développement d’un concept révolutionnaire, qui n’était probablement pas pour arranger les bidons de tout le monde…

Ensuite, j’ai inventé l’antivol pour sécuriser le train d’atterrissage de mon second prototype. Un accessoire chargé de l’empêcher de s’envoler vers d’autres destins.

Puis arriva le jour où le coup de patte à intervalle régulier ne me permettrait plus de couvrir les distances à aller explorer. J’avais alors réalisé que le temps était venu de penser à électrifier mon engin et projetais à terme de le brancher sur les deux câbles qui tractaient déjà les trolleybus. Mais mon paternel avait su me dissuader de me lancer sur cette voie, me rassurant au passage que sur ce coup-là, j’étais vraiment trop en avance sur mon temps…

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