Mauvaise passe pour l’optimiste de l’an 2000

> il était une fois … il y a des siècles <

Lorsque l’aube du 2ème millénaire nous paraissait encore loin, j’étais de ceux qui envisageaient l’an 2000 sous un angle optimiste !

Optimiste et futuriste ! Assez proche de ce nous présentaient des magazines illustrés, des documentaires télévisés et tout ce que prophétisaient de plus réjouissant, des romans graphiques d’anticipation. On y découvrait des villes splendides, nickel chrome et tape-à-l’œil à la pollution inexistante. Des enchevêtrements d’architectures esthétiques dans un environnement sain et agréable à vivre. L’image proposée était celle d’un monde apaisé, capable d’offrir à tous ses citoyens, une existence calme, pacifique, passionnante et bienheureuse. On y prédisait un avenir merveilleux de fluidité et un ciel bleu constellé d’automobiles volantes. Et je pouvais aisément me projeter en futur passager du futur : Aller me joindre à la béatitude et à l’allégresse généralisée en prenant place dans l’un de ces aérotrains à sustentation magnétique, perché sur un rail unique, glissant sans bruits ni à-coups désagréables, à destination d’un futur idyllique et harmonieux…

Il suffisait alors encore d’affubler d’un beau “2000″ en quatre belles grandes lettres pour l’emmailloter dans une modernité révolutionnaire, le dernier modèle d’un robot ménager, l’appellation d’un projet ferroviaire avant-gardiste ou même, le patronyme d’une station de sports d’hiver. (etc…)

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L’an 2k ? Je ne l’appréhendais pas vraiment en pessimiste. Devoir resquiller au quotidien à bord d’un train-fantôme peu sûr, crasseux et malodorant. M’empiffrant de rations de malbouffe entre deux affrontement avec d’autres bipèdes ramollis du clocher, alors ça… non ! Pas vraiment tentantes non plus, les réalités alternatives présentées dans les films de science-fiction post-apocalyptiques. Autant que ne m’alléchait pas franchement, la perspective de devoir un jour évoluer dans le monde tout en laideurs dépeint par des punks prisonniers de leurs plus mauvais jours.

> 2000 <

Le jour venu, il ne s’était en réalité finalement pas passé grand-chose. Les projections d’un passage éclair dans ce fameux monde perfectionné n’avaient pas été réalisées. Pire, la naissance du nouveau millénaire devait débuter à minuit une, par une chaine de catastrophes liées à un ridicule bug informatique  ! Cette erreur était une fois de plus d’origine humaine ! Il n’y aurait à l’évidence pas franchement assez de crédibilité en termes de compétences à allouer aux cadors de notre instable espèce, qui se révéleraient susceptibles de changer quoi que ce soit et qui viserait à efficacement sauver nos miches de la désintégration prochaine de cette pétaudière en ébullition.

Le Mixer2000 était frappé d’obsolescence programmée. La station de ski 2000 devrait s’équiper d’au moins deux mille canons à neige pour espérer survivre à son concept. Et les chemins de fer 2000 s’étaient contentés de raviver l’aspect de quelques unes de leurs rames de trains vintage à l’origine toutes uniformément kaki-vert-bouteille, en les rhabillant de quelques timides couleurs à peine un peu moins déprimantes.

> 2020 <

Arrivée de la 20e des années 2000 ! Et toujours pas trace d’un seul prototype à moitié crédible ressemblant à un monde proche de nos idéaux pré-millénaristes. Au lieu de cela, le temps était avant tout venu pour la population du monde entier, de prendre conscience de l’urgence d’oser radicalement et de concert, se risquer à tenter de le sauver ! Quitte à devoir rater le premier passage d’un flamboyant autorail futuriste …

Et moi de toujours me déplacer avec une fourgonnette obsolète de l’an 2000 ! L’un de ces modèles d’autrefois qui ne volait pas encore…  

> 2021 <

C’est le jour de l’an de la 21e des années 2000 que j’ai compris qu’elle savait aussi et conformément à son bon vouloir, ne plus rouler non plus. Que j’ai dû faire face à mon bug de l’an 2021 personalisé ! L’espace intérieur des restaurants étant encore tous fermés au public pour cause de pandémie, je me suis rendu à la va-vite au Drive-In du fast-food situé dans une zone post-industrielle de la cité. C’est que résister à l’envie d’un Happy1000 et à son jouet-cadeau en plastique à usage unique, ne faisait plus partie de mes bonnes résolutions. Alors j’ai été puni par le destin pour cet écart de conduite malheureux sous la forme d’une avarie embarrassante survenue devant le guichet de réception de la camelote. J’occupais la pole position de la file de véhicules individuels quand j’ai réalisé que mon départ en trombe, pour prendre le large dès le premier virage devant tous les autres concurrents présents sur le circuit, s’avérerait plus que problématique ! J’ai été contraint à l’abandon sur problème mécanique. J’ai dû pousser ma bonne vielle monture de l’an 2000, avec laquelle je nourrissais l’espoir de gagner toutes les courses de la saison, vers la place de stationnement la plus proche. Et c’est l’appétit coupé lui-aussi, que j’ai derrière un volant désormais décoratif, englouti mon ravitaillement expéditif-bourratif.

Diagnostics plausibles pressentis :

  • L’ordinateur de bord de vingt ans d’âge révolu, n’a pas été conçu pour fonctionner fiablement au-delà de 2020.
  • Un problème quelconque survenu au mauvais moment dans le circuit de la pompe à essence.
  • Autres et/ou impondérables

C’était un jour férié, à une heure à laquelle on ne dérange pas volontiers des dépanneurs qui s’apprêtent à partager un repas équilibré en famille. Hormis si on se trouverait à l’article de la mort ! Alors j’ai abandonné mon van à l’autonomie réfractaire. A lui, il lui était possible d’envisager dormir sur place. Et à défaut d’une ligne de navettes perchées sur monorail et cadencée au quart d’heure, je suis rentré à pieds en affrontant le froid glacial. Une promenade forcée, mais susceptible de faciliter à la fois la digestion du menu avalé de traviole et la contrariété de mon tout premier déboire de l’an neuf.

Le jour suivant, je suis retourné au chevet du malade avec un léger regain d’espoir de survie ainsi que d’un supplément d’outillages. J’ai vérifié les fusibles et le relais suspectés, puis procédé à l’ultime tentative de réanimation miraculeuse. Avant cette fois d’appeler le dépanneur.

Sur place il a procédé à une inspection méticuleuse. Il a écarté mes suspicions de problème d’ordinateur de bord ainsi que celui de l’arrivée d’essence en faveur d’une absence fatale d’allumage. A l’instar de mes attentes utopiques quant au jaillissement d’un an 2000 très raffiné, je m’étais fourvoyé en me limitant aux résultats d’une analyse trop optimiste. A l’image des bougies de mon sapin de Noël, la fête était également terminée pour celles chargées d’illuminer la ténébreuse intimité de mon moteur.

L’urgentiste de la mobilité motorisée a ensuite hissé ma fourgonnette sur le gabarit métallique de sa dépanneuse et nous avons ensemble quittés le parking du fast-food. En route pour le dépôt, j’ai réalisé que ma fourgonnette de l’an 2000 – que je savais déjà incapable de voler – ferait par contre parfaitement office de remorque habitable en cas de l’imminence d’une fin du monde

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L'occasion de republier un ancien dessin !
La voiture grise est une machine voyager dans le temps.
Et il arrive qu'elle tombe en rade...
   

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