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Mes petites bêtes à grosses pattes

Aujourd’hui j’avais prévu de parler d’autre-chose et puis, il y a eu ce tout petit imprévu

Chemin faisant en direction de mon coin-cuisine, muni de la ferme intention de me concocter l’un de ces petit-déjeuners d’anthologie capable de me catapulter dans les meilleures dispositions pour parler de cet autre-chose, je me suis trouvé dans l’obligation de stopper nette ma course, à deux orteils près d’écrabouiller une toute petite araignée avec de très grosses pattes ! Visuellement, elle semblait être équipée de moufles à quatre ou cinq doigts à l’extrémité de chacun de ses membres.

Et c’est cette fois grâce à une totale absence de mimétisme, qu’une fragile créature a survécu ! Sans une évolution d’ordre chromatique sérieuse, passer inaperçue au sol chez moi, en foulant de ses papattes mahousses la surface de mon parquet laminé chêne clair, n’était visiblement pas une option prévue au programme pour elle par mère nature. Je me suis aussi demandé si avec de si grosses pattes, elle serait un jour en mesure de tisser avec la dextérité et la précision requises, un filet de pêche aux mailles assez serrées pour capturer des proies à sa taille.

Pour moi, il était évident qu’il s’agissait là d’un spécimen rare d’arachnides sinon un représentant initial d’une espèce mutante. Je l’ai baptisée de la marque déposée de « araignée-gecko ». Ce premier contact inédit m’a rappelé une rencontre récente : J’avais surpris, à mon goût trop près de mon lit, une toute petite mouche noire collée à la paroi blanche. Elle aussi présentant cette particularité surprenante de se chausser en gants du rayon très grosses pointures !

Pour cette toute petite mouche à mon sens installée à un endroit des plus mal choisi, j’avais dû trancher en faveur d’une élimination à la « Ghost Buster ». C’est la peine en général appliquée à une grosse araignée à petites pattes, squattant un territoire sensible. J’ai donc libéré Luigi la turbine de sa remise et lui ai offert en pâture cette toute petite mouche à grosses pattes. Mais loin de moi alors l’idée de dorénavant souhaiter me profiler en serial-exterminateur de petits insectes à grosses pattes !

En soirée, peu après m’être immergé jusqu’au menton dans un bain relaxant, c’est en retournant vidanger l’eau refroidie que je l’ai retrouvée noyée dans ma baignoire ! Alors que je l’imaginais prisonnière à perpétuité des entrailles de Luigi la turbine. Elle flottait à la surface du plan d’eau, immobile, ses grosses pattes en éventail. J’étais arrivé trop tard sur les lieux du drame pour lui porter secours. Je l’ai observée attentivement pour voir si elle allait soudain se décider à palmer à contre courant, et ce jusqu’à ce qu’elle se mette à tournoyer de plus en plus vite, puis à se laisser aspirer dans le siphon d’écoulement. J’étais déjà intrigué par son étonnante capacité d’évasion, alors j’étais curieux de savoir si en qualité de mutante, elle disposerait également déjà d’une troisième vie en réserve.

On dit souvent que tout est lié. Il est plus qu’envisageable que la petite mouche-gecko aurait dû constituer un plat du jour parfait pour la petite araignée-gecko ! Et non pas celui de Luigi la turbine, ni celui de l’assoiffé et impitoyable siphon de ma baignoire. Alors dans l’espoir de contribuer à rétablir autant qu’encore possible, le fragile équilibre de la chaine alimentaire, j’ai pris la décision de tenter de sauver la petite araignée-gecko. Profitant de cette initiative pour l’expulser de mon habitat où de toute manière, il n’y avait plus trace sur les murs de petite mouche à grosses pattes à espérer se mettre sous la mandibule. Incapable de jouer aux gros bras avec des petites araignées à grosses pattes, je me suis emparé de deux grandes feuilles de papier, l’ai traquée et cueillie au sol, puis me suis précipité vers ma fenêtre ouverte pour procéder à son évacuation pour de nouvelles aventures, vers une nature présumée des plus accueillante.

Et c’est en secouant vigoureusement les feuilles de papier à l’extérieur que j’ai commis l’erreur que je ne devais plus commettre : Ça faisait déjà deux mois que je souffrais du côté droit d’une déchirure musculaire entre l’épaule et le haut du bras. Habituellement je ne sentais plus grand chose, mais il a suffi que je fasse l’un de ces mouvements interdits et c’était comme si la réparation avait encore lâché ou alors que ça venait de se déchirer juste à côté. Et comme forcément tout est toujours lié, c’est principalement dans l’optique de calmer cette douleur-là, qu’il m’arrivait de prendre des bons bains chauds, tel que celui qui avait ôté la vie à ma petite mouche à grosses pattes mystérieusement échappée de l’estomac glouton de Luigi la turbine.

Aujourd’hui, j’avais vraiment prévu de parler d’autre chose. Et je sais que je devrais aller voir un toubib et lui demander de soigner ce bras souffrant. Mais je sais aussi qu’à la fin, tout ça risquerait encore de me coûter un bras en factures. Et ce serait probablement celui qui est encore parfaitement valide ! Alors je préfère encore laisser les bienfaits de la nature agir à leur rythme et à leur guise. En tentant d’apprendre à éviter de reproduire ces fameux mouvements interdits jusqu’à nouvel ordre. En particulier quand je dois réagir dans la précipitation lors d’un cas d’urgence.

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Interrophobie

– Avez-vous peur des araignées ou des serpents ?

– Eh bien… non.

– Et des requins ou des alligators ?

– Pas plus que ça, non !

– Alors certainement des méduses ou des scorpions ?

– Même pas …

– Vous ne craignez donc aucun prédateur ???

– Si ! Mais seulement ceux de ma propre espèce ! Et en particulier ceux qui peuvent bondir sur moi par surprise avec l’intention d’envenimer une conversation avec une abondance de questions inutiles…

Vous m’auriez demandé quelle bestiole pouvait m’inspirer le plus de craintes, je vous aurais simplement répondu « le crabe » et vraisemblablement étonné, vous m’auriez ensuite demandé pourquoi. Sur quoi je vous aurais répondu que je n’en sais foutre rien, parce que je vis assez loin de toute mer et qu’aucun crustacé décapode n’a jusqu’ici encore eu le moindre de mes orteils à portée de pinces…

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Note: j'ai réellement longtemps trimbalé une trouille d'enfance 
des crabes après avoir croisé le chemin de mon premier spécimen 
à l'occasion de vacances à la mer. Une bien étrange phobie 
largement surmontée depuis.