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Sauve qui pourrait !

Hier sur le seul « résal socio » que je consulte encore, je suis tombé sur une phrase qui a retenu toute mon attention.

Il était écrit sans autre explication que « Le Titanic a été construit par des professionnels, tandis que l’arche de Noé a été construit par des amateurs »

Cette bonne formule s’est mise à tournicoter dans ma tête à des fins d’analyse ultérieure. Et c’est immergé dans un bon bain relaxant jusqu’à la ligne de flottaison (maxillaire inférieur) que je me suis senti en condition idéale pour l’étudier plus en profondeur.

Il est vrai que de nos jours, Noé construirait une flotte de ferries pour sauver d’une mauvaise passe, tous ces SUV rutilants en leasing, au lieu d’inviter gracieusement une galerie de couples du règne animal, sans encaisser un radis sur leurs titres de transport pour sa croisière inaugurale. Un règne qui de toute manière toucherait un jour à sa fin par le processus d’extinction en cours. Noé sauverait en priorité ce qui rapporterait des thunes, parce qu’il est conscient que le dernier couple d’ânes qui chiaient des pièces d’or et susceptible de se reproduire a été rayé des listes de la biodiversité depuis belle lurette.

Aujourd’hui en cas de déluge imminent, avec la spécialisation des corps de métiers, la sous-traitance mondialisée en flux tendu comme un string, le limage constant des objectifs de rentabilité, la multiplication des intermédiaires hiérarchiques, la pression grandissante sur les salaires des exécutants, les chantiers navals Noé Sàrl + Co. Ltd n’auraient pas encore raboté la première planche du pont inférieur avant que l’arrivée du tsunami ne coule toute l’entreprise ainsi que son fameux projet de vaisseau amiral.

J’ai spéculé sur l’idée que ce qui aurait probablement pu sauver du naufrage l’imposant transatlantique aux seize compartiments étanches, ses malheureux passagers et membres d’équipage, aurait été l’éventualité d’un réchauffement climatique plus précoce. Malheureusement, à cette époque là, on ne maîtrisait pas encore assez bien les effets bénéfiques des gaz à effets de serre.

Et en passant j’ai repensé à ce fougueux jouvenceau sans le sou, épris de la ravissante promise à la haute société. Tous deux très enclins avant d’atteindre le bon port, à aller s’isoler en cabine pour griffonner des dessins académiques ou à faire de la buée derrière les vitres d’un tacot garé en fond de cale. A se fondre en interminables roucoulades dans une ambiance de tronçonnages de violons, les yeux brillants et les nez dans le vent contre le bastingage de proue du paquebot. Plutôt que de se laisser germer l’idée lumineuse qu’aurait été celle d’aller prêter assistance visuelle à la vigie de quart, un matelot myope et stressé. Pour que ce prestigieux navire puisse fendre les brumes nocturnes jusqu’au petit matin, machine avant et à vapeur toute. Et en même temps permettre aussi une vision à plus long terme d’une idylle naissante.

Bien sûr tout ceci n’est qu’un résumé de ce qui a pu traverser mon esprit tortueux à partir de la fameuse phrase précitée. Et c’est avant que certains de mes membres ne s’engourdissent dans une eau refroidissante, que j’ai saisi une bouée et ai sauté dans un canot de sauvetage pour rejoindre la terre plus ferme de ma salle de bains.

J’en suis arrivé à la conclusion qu’à la place des deux tourtereaux romantiques sur qui on n’a pas pu compter pour éviter la catastrophe, les tour operators de la White Star Line auraient eu fin nez d’embarquer comme figure de proue, une personnalité de la trempe de Catherine Tramell, armée de son pic à glace

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