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Un électron libre en suspension

On pourrait croire que je suis un électron libre d’astreinte à toute conformité, mais c’est entièrement faux ! J’ai été domestiqué très jeune déjà. J’ai même dû me soumettre à une autorité parentale assez stricte parfois. J’ai par exemple longtemps été contraint de fréquenter les bancs de l’école alors que j’avais beaucoup mieux à faire. Ils ont du profiter d’un instant de somnolence pour me capturer et m’enchainer à un radiateur du collège ! Et évidemment, captif de ce long processus qui n’était pas dans ma vraie nature, j’y ai au final un peu perdu en authenticité.

Lorsqu’ils m’ont enfin libéré pour mauvaise conduite de mon formatage scolaire , il ne restait en moi déjà plus grand-chose du flâneur-cueilleur pré-conditionné.

A peine le temps de souffler un peu que je tombais cette fois dans le piège de la technologie : ” -Tu vas apprendre un métier d’avenir avec sérieux et tu n’iras folâtrer à volonté dans la nature, qu’ensuite !” Une fois de plus c’était entre parenthèses que j’avais dû brider ma prometteuse trajectoire d’électron désinvolte.

Quand ce fût chose faite, j’avais été appelé à me plier à apprendre à servir mon pays la pâquerette au bout du fusil. A exécuter des ordres les yeux-fermés, sans rouspéter et à marcher au pas de charge en rangs d’oignons. J’avais célébré le jour de mes vingt ans en faisant les vingt pompes réglementaires devant la caserne. Je n’avais pas d’autre choix sinon la désertion.

Une fois libéré de mes obligations patriotiques et conditionné à marcher droit, je suis retombé dans le piège de la technologie. C’est que ma profession me rappelait les jeux de briques de construction danoises de mon enfance mais avec un supplément d’électrons remuants dedans. Des électrons qui se bousculaient plus ou moins intensément dans des fils de cuivre multicolores : Je me sentais à nouveau évoluer dans un espace quasi illimité. Cette fois, ça pouvait être moi, le maître des électrons. Je pouvais à tout instant décider de les libérer tous. Devenir le roi du court-circuit, si d’aventure l’envie devait m’en prendre !

Et puis un jour, j’ai eu la visite du préposé au respect des normes. Celles qu’on disait être en vigueur. Il parcourait plus d’un millier de kilomètres pour venir inspecter mon travail. Il passait chaque détail en revue à la loupe et dressait une liste de tout ce qu’il fallait corriger. La terre devait être bien à la masse mais pas de n’importe quelle manière ! Il était pointilleux, procédurier mais aussi de contact agréable. Une fois de plus, j’étais prié de me plier à des normes strictes et préétablies ! De menotter l’électron libre en moi. Au mieux, de le remettre au frais, pour plus tard.

D’un côté, je comprenais très bien la raison d’être de toutes ces fichues normes mais de l’autre, je voyais également proportionnellement fondre mon espace de liberté et de créativité ! Cruel dilemme : Pour bien faire, il me fallait encore déplacer le curseur à contrecœur.

Un jour, ce fût mon tour de parcourir le millier de bornes pour aller rendre visite au préposé au respect des normes. Il m’avait déjà transmis de nombreuses connaissances importantes ! Mais le mystère des origines et du parcours de domestication de ce présumé grand maniaque était resté entier.

Un soir, il m’a révélé qu’il vouait une véritable passion à ces vieux fourgons en tôle ondulée : Les Citroën Type H. Un véhicule utilitaire qui, au pifomètre datait de bien avant l’invention des normes internationales et du tout début de l’Ère des électrons. Une époque que je situerais approximativement à une semaine après le big bang ! Et j’ai découvert que lui aussi, quelque part, avait conservé de quoi s’accrocher encore un peu à ses grandes aspirations d’origine !

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Après avoir rédigé l’article ci-dessus, c’est dans le but d’y ajouter une illustration que j’ai tenté de dessiner l’un de ces fourgons à main levée. Mais je le voulais un peu déformé, plus fantaisiste. J’ai voulu lui apporter ma petite touche personnelle. En faire une caricature. Résultat : c’était complétement raté ! Affreux !

“- Il y a des cas où rien ne sera jamais mieux que l’original !” m’aurait alors affirmé l’expert en glissant les plans d’origine sous mes yeux… “- A respecter à la lettre près, sinon ce n’est même pas la peine d’essayer !”

Et moi, une fois de plus de m’incliner et de lui donner raison… ( Mais ce sera juste pour cette fois )

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