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Monopolish : Le jeu de notre belle Société

Les jeux et plus particulièrement ceux dits de société sont un thème récurrent sur ce blog. Cette 1ère phrase à elle seule pourrait déjà vous donner envie d’aller jouer ailleurs !

Cette semaine, j’ai retrouvé ma collection de boîtes de jeux de société en allant fouiner dans les cartons entreposés dans mon espace de stockage.

Dans mon enfance et dans celle de mes enfants, c’est attablés en famille et entre amis que nous nous livrions régulièrement à des parties serrées et animées. Les participants d’une partie étant tous présents en chair, en os et en esprit de compétition en un seul point géostratégique. Nous profitions du triple loisir de nous distraire, de nous défier face à face, en apprenant à démasquer le potentiel tricheur, à détecter la mauvaise foi chez le mauvais perdant, à évaluer la taille de la graine de mégalomanie germant chez le mauvais gagnant. Et bien plus encore… 

C’était avant que l’individualisme ne se répande comme une trainée de coke dans nos mentalités occidentales et que certaines évolutions technologiques et clientélistes ne nous poussent à plus généralement préférer les parties en solitaire ou les escapades monacales dans des mondes virtuels où parfois tous les coups semblent être permis. Lorsque personne ne manifeste l’envie de participer à une partie dans la vraie vie et qu’il serait vain de tenter de résister à la sienne, il reste aussi des simulations en ligne. Avec l’illusion d’être en mesure de gagner au moins une manche à armes égales contre un avatar inhumain.

Je me rappelle avoir longtemps craint que ma génération et la(les) suivante(s) avaient trop bien aligné et limé les crocs de nos charmantes têtes blondes. Qu’on était parvenus à isoler les réalités des uns et des autres en les surprotégeant, en les soustrayant au vrai monde et en leur en proposant même de préférence des faux ou on aurait mille vies. Je croyais vivre dans une société devenue désespéramment ramollissante. Mais à voir ce qu’il se passe aujourd’hui dans les rues, mes bonnes vielles craintes n’étaient pas justifiées. C’est vrai que des crocs émoussés au besoin, ça s’aiguise, et il faudrait être benêt pour croire que des faux mondes intéressants pourraient perdurer si le vrai devenait plus qu’invivable.

J’ai appris que le Monopoly avait été inventé par une femme en 1903 pour démontrer la nature antisociale du monopole sur le sol. C’était sensé dénoncer une certaine forme de capitalisme. Le but du jeu consistant à délibérément espérer la ruine de ses concurrents en leur faisant subir les incidences pécuniaires croissantes conséquentes à des réalisations d’opérations immobilières.

J’avais toujours pensé en participant sans véritable développement de vénalité à ces interminables trafics de faux monnayeurs et de gymnastique d’agences immobilières, que cet usant exercice avait été créé pour apprendre dès le plus jeune âge parallèlement aux enseignements des bancs d’école :

  • à apprendre à aimer palper de l’oseille et à empiler des liasses avec soin
  • à inculquer le vice de vouloir en amasser toujours plus.
  • à faire germer le désir de propriété foncière et immobilière.  
  • à ancrer dans l’esprit le projet de posséder une cahutte, un palace, une cathédrale et une résidence secondaire.
  • à nous habituer à ne jamais nous plaindre en cas de fins de mois difficiles, pour ne pas décourager d’autres joueurs qui ne gagneront pas non plus à tous les coups.

On nous sensibilisait et nous préparait  

  • à l’inévitable partenariat ainsi qu’à l’éventuelle arrogance du maître-brasseur banquier.
  • aux risques et à la suite royale d’emmerdements à subir lors d’une faillite ou une banqueroute.
  • au rôle de la prison, comment y accéder et comment en ressortir plus vite si on a de quoi payer la caution.
  • à l’opportunisme de se faire des burnes en platine s’il le faut sur le râble de son prochain.
  • Qu’un jour ou l’autre il n’y aurait au mieux plus qu’une seule place de parking gratuite en ville et que ça pourrait nous faire tout drôle quand pour une fois on pourrait se poser dessus !

La version de ce jeu qui est en ma possession date de plusieurs décennies. C’est vrai que j’aurais les moyens d’en acquérir une nouvelle édition chaque année si je revendais une parcelle non bâtie dont j’espère encore que le prix de vente explosera un jour.  Il est de ce fait fort possible que les règles du jeu de mon antique version aient déjà entretemps été adaptées aux évolutions positives du capitalisme contemporain.

J’ai quand même fait une liste de mes recommandations pour une adaptation d’une version réaliste pour une prochaine mise à jour :  

  • En passant par la case DEPART, les participantes féminines toucheront dorénavant un salaire fixé à 80 % de celui des participants masculins. C’est pour qu’elles ne deviennent pas trop accro à ce jeu et n’en oublient pas de se concentrer avant tout sur leur opportunité de mettre au monde une série de nouveaux joueurs.
  • Les joueurs trop expérimentés de plus de 45 ans ne joueront plus qu’avec un seul dé et devront se préparer à quitter la table pour rejouer au jeu de l’oie blanche en petit commité.
  • La banque sera désormais officiellement déclarée « too big to fail » et le contenu de ses coffres ne pourra en aucun cas être siphonné par un joueur fortuné. En cas de menace de banqueroute, ce sont les joueurs les moins pétés de thunes de la partie en cours qui seront surtaxés pour renflouer les caisses de l’établissement financier.
  • Le joueur capable d’également tenir le rôle de banquier dans une partie peut faire valoir son droit à un bonus conséquent. Que ce soit en cas de bons ou de mauvais résultats de l’établissement financier. C’est pour motiver au moins l’un des joueurs d’endosser une charge supplémentaire. Et parce qu’on peine tellement à trouver des volontaires qui méritent le saladier. Il encaissera sa prime en passant par la case DEPART / BINGO
  • Une optimisation fiscale et/ou un changement des règles du jeu en cours de partie est à tout moment négociable sur simple geste de tout joueur pouvant immédiatement justifier de gains conséquents.
  • Les joueurs ne seront plus tenus d’étaler au grand jour leurs liasses de coupures et leurs titres de propriétés. Ils recevront chacun un petit coffre à fixer discrètement sous la table. Un peu de suspense qui pourrait redonner un second souffle au mystère perdu du capitalisme.

Modifications des cases sur le plateau de jeu :

  • Une case chômage longue durée (passe 12 fois ton tour) et une case gratuite « soupe populaire » seront ajoutées.
  • La case compagnie d’électricité n’étant plus assez rentable en raison de la concurrence acharnée sur ce marché et à cause des coûts élevés des démantèlements de centrales nucléaires sera remplacée par une case « Compagnie des Extractions d’énergie Fossiles partout où on en trouve encore» à qui il resterait encore de beaux jours devant elle.
  • Les cases des « compagnies ferroviaires », des « funiculaires réunis » et celles des « remontées mécaniques dans des endroits où il ne tombe pas plus d’un mètre de neige par saison mais on va encore acheter des canons» seront respectivement remplacées par la case « consortium de conquête spaciale et de prolifération des armes de guerre »,  « Groupe OGM pour tous & Pesticides à gogo » et celles de « Cartel des Médocs hyper-Lucratifs »

Les nouvelles cartes de jeu :

  • Une carte « Réduction de peine » et « Cadeau fiscal » profitant uniquement aux joueurs nantis qui paient régulièrement une tournée en cours de partie.
  • Une carte « Pots de vins, voyages surclassés en business et avantages en nature »
  • Les cartes malchance « croissance nulle, sale coup d’hypocrisie caractérisée, uberisation galopante, pension alimentaire, accident climatique, ressource gaspillée, conjoncture morose, crash boursier, appartement dévasté par un locataire, victime de cambriolage, pigeon d’une arnaque, reconnaissance de dette et Désolé mon vieux, mais moi j’estime que c’était de bonne guerre » mettront un peu de piment dans les manches les plus soporifiques.

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