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Coup de chaleur sur la banquise

L’autre soir, nous avons eu la visite de deux beaux pingouins tendance chelou.

Un apprenti pingouin accompagné d’un maître pingouin dont le rôle principal était surtout de rassurer le novice, par exemple, lorsqu’il s’étranglait un peu trop dans sa vilaine cravate trop serrée…

Ces deux oiseaux pas tout lisses représentaient fièrement un catalogue par correspondance, dans lequel ils proposaient un parachutage régulier sur site de lectures pour nos longues soirées d’hiver. (Vous savez, avec en principe une obligation d’acquérir un bouquin au moins tous les trois mois, pour au moins ne jamais oublier qu’on a un jour dans le passé, appris à lire…)

Bravant les éléments, la nuit polaire, le froid glacial, ils se sont gentiment déplacés jusqu’aux portes de notre igloo. Aucune idée, de l’endroit où ils avaient bien pu parquer leur brise-glace ou leur traineau dans le quartier.

Selon leurs dires, mon esquimaude adorée serait une de leurs adhérentes*, et ce, de si longue date que ça méritait largement une discussion à bâtons rompus, sans capuchons, ni moufles, au coin du feu !

Ces pingouins avaient une multitude de questions à poser à leur fidèle adhérente, probablement dans le but de la satisfaire de leurs belles impressions, durant tout le prochain siècle.

A un moment, au cours du bien éprouvant questionnaire, ils lui ont demandé ce qu’ils pouvaient améliorer dans leurs prestations de services.

A ceci elle a répondu avec une bien belle politesse, qu’ils devraient commencer par changer leur méthode largement trop insistante, envahissante et suspecte d’approche de leurs clients…

Malgré la clarté cristalline de sa réponse et la fraîcheur soudaine du climat, les deux manchots n’ont même pas fait mine de la moindre hésitation dans le sens d’un repli d’intelligence. Les cours intensifs de vente agressive et de psychologie du pigeon royal moyen qu’ils avaient suivis avec l’intérêt qui s’impose, ne faisait sans doute pas référence à ce genre de réaction un rien échauffée, d’une pourtant si fidèle adhérente.

Alors, comme s’ils avaient abusé du suçotage de glaçons aromatisés de perspectives de succès, ou passé toutes leurs dernières vacances dans le bac de congélation rapide de leur bahut, ils ont froidement continué leur blabla selon le schéma inculqué par les grands initiés…

A un moment donné, leur insistance à vouloir à tout prix intéressant vendre l’intégrale d’Alexandre Dumas à ma chérie visiblement fatiguée d’être prise pour une bille, dépassait de loin les règles de base de la bienséance en société.

Alors je me suis dressé de toute ma hauteur, tel l’ours bipolaire que je suis, projetant une ombre menaçante sur les murs de notre igloo, et leur ai indiqué la marche de l’empereur à suivre :

–          Ramassez votre bazar et puis dehors ! Là, vous allez partir faire votre baratin sur une autre banquise !

L’apprenti pingouin est resté figé comme s’il avait soudain manqué d’un apport d’antigel.

Et le maître pingouin avec un aplomb hallucinant, semblait lui, encore vouloir argumenter que c’était bien l’adhérente (et non son pâle ourson ci-joint) qui devait décider de leur départ pour d’autres arnaques…

Je suis contre le massacre des bébés-phoques, mais au juste, qu’en est-il de l’éradication des pingouins crétins ?

Enfin, une fois leurs palmes jaunies plantées dans la neige d’une plaque de glace à la dérive sur l’océan, maître pingouin a ajouté dans un dernier élan historique « Vous ne devriez pas ainsi vous couper du monde… »

(Relisez cette toute dernière phrase et rajoutez simplement un effet d’écho nocturne qui s’éloigne, ça le fera, je pense)

Ah ben merde alors, une fois de plus, je me suis emporté : Le monde alors, c’était eux ?

*Adhérente = Cliente jugée captive qui ne souhaite pas fuir la société de consommation