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Le Porte à Porte

– Je vous souhaite le bonjour chère Madame !

– Bonjour Monsieur, excusez-moi d’avoir tardé à vous ouvrir : J’ai failli ne pas saisir que je recevais une visite!

– Et pourtant, chère Madame, je peux vous garantir que votre porte, je ne ne l’ai pas tapoté avec la mollesse d’un apathique !

– Alors donc, vous avez  frappé au lieu de sonner ? Voilà sans doute l’origine de mon hésitation. N’avez-vous pas remarqué qu’il y avait un bouton de sonnette situé en évidence ici ?

– Si, je l’avais bel et bien noté votre dispositif moderne ! Mais il faut que je vous explique : Je suis de l’ancienne école et bien je comprenne en grande partie, les nombreux avantages que peuvent apporter les nouvelles technologies, je reste pour ma part, fidèlement attaché à de vieilles méthodes qui ont fait leurs preuves au fil du temps.

– Eh bien personnellement,  je suis coutumière du récital de ma sonnette. Je ne vous cacherai pas que des coups appuyés et répétés, c’est une chose tout à fait inhabituelle ! La plupart de mes visiteurs choisissent sans rechigner de se plier à la conformité contemporaine. De plus, des heurts soudains peuvent me faire tressaillir, voire m’effrayer !

– Pardonnez-moi de vous avoir bousculé de par mon antique méthode. Comprenez que le visiteur que je suis ne sait pas trop à quoi s’attendre, en actionnant le bouton d’une sonnette. Ce n’est pas que j’ai renoncé d’office à me laisser surprendre par un timbre inconnu.  J’ai jusqu’ici connu de fort belles compositions diffusées par de merveilleux carillons ! De nos jours encore, mes oreilles profitent de fort agréables surprises en découvrant ici et là quelque son de cloche sympathique. Mais il y en a aussi de trop rébarbatives et de désespérément monotones ! Autant de préludes qui peuvent dans l’attente qui suit mon geste, me laisser présager de la tiédeur d’un  accueil l Laissez-moi ensuite tenter de vous convaincre que votre avertisseur régulier ( celui qui ne trahit jamais vos habitudes ) il présente le  désavantage ne pas faire de votre porte d’entrée pour chacun de vos visiteurs, une expérience totalement différente et unique même si, dans leur durée ou par le nombre de leurs répétitions, il reste encore des variables accessibles au sonneur avant-gardiste. Lorsque je me permets en personne de la frapper énergiquement comme je viens de le faire, je peux composer à ma guise, une entrée en matière d’un rythme, d’une tonalité et d’un tempo en tous points personnels. La partition commence dès que j’examine l’entrée de votre lieu d’habitation, du haut de porte au paillasson. Mon plaisir débute bien avant les derniers pas de danse qui me portent à votre rencontre. Le premier acte qui m’amène ici, inclus le mystère de votre présence ou non à l’intérieur de votre logis !  Et j’en  profite pour vous remercier de votre charmant et chaleureux accueil !

– Vous êtes ici le bienvenu ! Mais ne courrez-vous pas ainsi le risque de susciter la méfiance et que l’on décide par inquiétude de ne pas vous ouvrir la porte ?  S’il y a une sonnette, il se peut que l’habitant ne tolère pas volontiers d’exception à sa règle. Ne craignez-vous pas qu’il  se sente bousculé ou déstabilisé par votre gaillarde diversité ?

 – Oh mais il m’arrive encore de sonner comme on l’attend de moi ! Je vous donne volontiers un exemple : Si j’ai fait le tour de tous les appartements d’un immeuble de dix étages et qu’aucun de ces nombreux locataires n’avait pris la peine avant ma visite d’installer la moindre originalité auditive à me mettre sous le doigt, certains jours c’est la déprime qui me guette et dans la foulée, la qualité de mon travail qui se dégrade… Je vous l’apprends peut-être, mais il existe des sonnettes qui sonnent faux et d’autres qui me font penser à des alarmes coupables.

– Et tambouriner à toutes les portes de cet immeuble dont vous me parliez à l’instant,  n’est-ce pas douloureux à l’usure ? Il me paraît qu’à choisir, la répétition de l’appui tactile d’un doigt unique sans grand effort, vous laisserait sans souffrir de la moindre courbature, même si vous deviez parcourir l’entier de ce quartier d’immeubles de dizaines d’étages dans un court laps de temps !

– Il est vrai qu’à cette minute encore, je ressens dans toutes mes phalanges les séquelles de l’impact de ma main sur la fermeté du bois de votre porte. Et c’est l’un de mes nombreux motifs, si vous me le permettez, de prendre tout mon temps pour m’entretenir avec vous. Avant de prendre congé, comblé par notre dialogue et les douleurs apaisées prêt à m’en aller frapper tout aussi gaillardement à la porte suivante …

 

Voilà, je me suis bien défoulé ! Je n'ai pas vendu grand chose, 
mais j'ai été fort bien accueilli. A présent, il est temps que je m'en 
retourne aux choses sérieuses !

Coup de barre chez le marchand de sable

Coup de chaleur sur la banquise

L’autre soir, nous avons eu la visite de deux beaux pingouins tendance chelou.

Un apprenti pingouin accompagné d’un maître pingouin dont le rôle principal était surtout de rassurer le novice, par exemple, lorsqu’il s’étranglait un peu trop dans sa vilaine cravate trop serrée…

Ces deux oiseaux pas tout lisses représentaient fièrement un catalogue par correspondance, dans lequel ils proposaient un parachutage régulier sur site de lectures pour nos longues soirées d’hiver. (Vous savez, avec en principe une obligation d’acquérir un bouquin au moins tous les trois mois, pour au moins ne jamais oublier qu’on a un jour dans le passé, appris à lire…)

Bravant les éléments, la nuit polaire, le froid glacial, ils se sont gentiment déplacés jusqu’aux portes de notre igloo. Aucune idée, de l’endroit où ils avaient bien pu parquer leur brise-glace ou leur traineau dans le quartier.

Selon leurs dires, mon esquimaude adorée serait une de leurs adhérentes*, et ce, de si longue date que ça méritait largement une discussion à bâtons rompus, sans capuchons, ni moufles, au coin du feu !

Ces pingouins avaient une multitude de questions à poser à leur fidèle adhérente, probablement dans le but de la satisfaire de leurs belles impressions, durant tout le prochain siècle.

A un moment, au cours du bien éprouvant questionnaire, ils lui ont demandé ce qu’ils pouvaient améliorer dans leurs prestations de services.

A ceci elle a répondu avec une bien belle politesse, qu’ils devraient commencer par changer leur méthode largement trop insistante, envahissante et suspecte d’approche de leurs clients…

Malgré la clarté cristalline de sa réponse et la fraîcheur soudaine du climat, les deux manchots n’ont même pas fait mine de la moindre hésitation dans le sens d’un repli d’intelligence. Les cours intensifs de vente agressive et de psychologie du pigeon royal moyen qu’ils avaient suivis avec l’intérêt qui s’impose, ne faisait sans doute pas référence à ce genre de réaction un rien échauffée, d’une pourtant si fidèle adhérente.

Alors, comme s’ils avaient abusé du suçotage de glaçons aromatisés de perspectives de succès, ou passé toutes leurs dernières vacances dans le bac de congélation rapide de leur bahut, ils ont froidement continué leur blabla selon le schéma inculqué par les grands initiés…

A un moment donné, leur insistance à vouloir à tout prix intéressant vendre l’intégrale d’Alexandre Dumas à ma chérie visiblement fatiguée d’être prise pour une bille, dépassait de loin les règles de base de la bienséance en société.

Alors je me suis dressé de toute ma hauteur, tel l’ours bipolaire que je suis, projetant une ombre menaçante sur les murs de notre igloo, et leur ai indiqué la marche de l’empereur à suivre :

–          Ramassez votre bazar et puis dehors ! Là, vous allez partir faire votre baratin sur une autre banquise !

L’apprenti pingouin est resté figé comme s’il avait soudain manqué d’un apport d’antigel.

Et le maître pingouin avec un aplomb hallucinant, semblait lui, encore vouloir argumenter que c’était bien l’adhérente (et non son pâle ourson ci-joint) qui devait décider de leur départ pour d’autres arnaques…

Je suis contre le massacre des bébés-phoques, mais au juste, qu’en est-il de l’éradication des pingouins crétins ?

Enfin, une fois leurs palmes jaunies plantées dans la neige d’une plaque de glace à la dérive sur l’océan, maître pingouin a ajouté dans un dernier élan historique « Vous ne devriez pas ainsi vous couper du monde… »

(Relisez cette toute dernière phrase et rajoutez simplement un effet d’écho nocturne qui s’éloigne, ça le fera, je pense)

Ah ben merde alors, une fois de plus, je me suis emporté : Le monde alors, c’était eux ?

*Adhérente = Cliente jugée captive qui ne souhaite pas fuir la société de consommation