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Prison brèque

Je devais purger une lourde peine pour des motifs qui me semblaient dérisoires. Mais j’avais pleinement conscience que je ne serais pas le dernier innocent sur cette planète à être injustement condamné et sanctionné. Donc j’étais au pain sec et à l’eau du robinet et les conditions carcérales étaient sévères : Je ne devais quitter ma cellule du premier étage de la taule familiale sous aucun prétexte ! Pour accentuer ma sensation de privation de liberté, la porte d’accès au rez-de-chaussée avait été verrouillée par la surveillante en chef. Mais ça, c’était sous-estimer les talents de serrurier du jeune détenu et mésestimer ses prédispositions à improviser avec les moyens du bord ! J’ai profité d’une ronde de la gardienne pour crocheter le verrou, qui n’a pas résisté plus de trois minutes à mon passe-partout bricolé. Qui ne tenterait rien n’aurait rien, c’était ça la clé ! [ et toc ! ]

Au niveau sensation de pur plaisir, c’était pour moi tout à fait équivalent à l’idée de m’être évadé par la grande porte d’un pénitencier de haute sécurité ! Comme je n’avais pas repéré d’hélicoptère dans la cour pour un envol vertical vers la liberté, je me suis introduit dans le garage et y ai emprunté mon cyclomoteur pour prendre la clé des champs. C’était droit devant, plein gaz, ni vu ni connu et sans même jeter un dernier coup d’œil dans le rétroviseur. [ rires sardoniques ]

Je ne m’étais par contre malheureusement pas suffisamment investi dans la préparation de ma cavale ce qui a fait que le soir même, j’avais été repris par mes gardiens qui m’ont ramené manu militari au mitard. [ très pacifiquement en réalité ] J’ajouterais que je n’étais pas franchement un expert en brouillage des pistes non plus. Mais moi, j’y avais pris goût à cette escapade ! 70 kilomètres de poudre d’escampette, c’était pas si mal pour une première fois ! Et puis bah, ce sera la prochaine tentative qui sera la bonne ! [ on y croit ]

[ Le plus drôle c’est que si ma mère n’avait pas fermé cette porte à clé, je me serais certainement plongé dans une bédé au lieu de me lancer dans une vraie fugue. Mais voilà, pour moi dans ces conditions, il y avait largement de quoi aller jusqu’à limer des barreaux ]

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Lors de mon évasion suivante, j’en ai profité pour hausser le niveau de difficulté d’un cran ou deux. Le centre de détention était cette fois localisé sur une île en pleine mer et ce n’était pas parce qu’il faisait quarante degrés à l’ombre, que j’allais m’y laisser moisir sans me rebeller. C’est encore en réaction à un sentiment d’injustice que j’ai profité de l’heure de la promenade matinale et d’une absence de vigilance des sentinelles pour me faire la belle

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça n’a pas été une promenade de santé, car je me suis perdu sur cette île qui s’est révélée être bien plus déserte, plus vaste et plus caniculaire que lors de mes premières estimations. Je n’avais aucune envie d’un retour par le même chemin qu’à l’aller et j’avais repéré sur une carte en relief de l’île qu’il en existait un autre. A chaque fois que je gravissais le sommet d’une colline, je m’offrais une vue imprenable sur la suivante qu’il me fallait aller gravir elle aussi ! Mais pour la vue sur la mer, équivalente pour moi à la vision d’un portique d’arrivée, il s’agissait avant tout de ne jamais perdre tout espoir… Les kilomètres défilaient, les collines s’additionnaient et ma langue pendait jusqu’aux genoux ! Je ne rêvais que d’un quelconque robinet d’eau fraîche providentiel et d’une vue sur la côte…

J’ai fini par tomber sur une habitation isolée et suis allé toquer à l’une des fenêtres. Les habitants vraiment charmants m’ont accueilli à bras ouverts et par chance ils avaient assez d’eau en réserve pour me sauver plusieurs fois la vie. Ils avaient même une piscine dans laquelle j’ai pu aller piquer une tête ! Passer comme ça d’un seul coup du zéro gouttelette à l’abondance hydrologique, c’était magique et inoubliable ! Ensuite, retour à la case départ, mais en taxi : il me restait environ 8 kilomètres à parcourir. Point positif de cette escapade : mon sens de l’orientation n’était pas défaillant ! [ youpie] J’ai eu confirmation que je me dirigeais bel et bien dans la bonne direction… ( C’est que je m’étais longtemps demandé si je n’avais pas tourné en rond dans le désert, comme les Dupond et Dupont dans Tintin au pays de l’Or noir )

Cette mésaventure d’adolescent imprudent m’avait ensuite calmé pour des années en ce qui concernait mes tentatives d’évasion. Mais ça ne m’avait pas métamorphosé en prisonnier modèle pour autant…

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Cet article est né d’une discussion récente, qui portait sur le fait de pouvoir ressentir un certain plaisir à aller se perdre, que ce soit dans la nature ou dans ses idées, poussé par la curiosité de voir où ça nous mènera et comment on sera capable de s’en sortir.

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Plan d’évasion numéro 2 (version simplifiée)

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