La soupe aux gros mots

 

 

Quand j’étais juvénile et nigaud garçon

Sur le large bord de ma profonde assiette

J’alignais des alphabets et des brouillons

Selon arrivage de la pêche aux lettres de pâte…

 

Allons mange ta soupe mon fils, insistait-elle !

Elle ne te fera grandir que si elle est au moins tiédasse

Attends maman, il ne me manque qu’une seule voyelle…

J’intensifie ma recherche pour compléter le mot « mélasse »

 

Lorsque comme souhaité, je devins grand garçon

Emporté dans l’un de ces épisodes nostalgiques

Vers midi, dans de l’eau auparavant portée à ébullition

J’ai versé le contenu de l’un de ces sachets magiques

 

Puis j’ai laissé se gonfler tous les petits caractères

Avant de procéder à la récolte à l’aide d’une cuillère

Et d’élaborer des mots choisis dans mon vocabulaire

Et de raviver le cérémonial du potage abécédaire

 

Le soir venu, j’ai même pensé en réchauffer le reste

Dans le but de composer d’autres verbes et sottises

Mais le bouillon délaissé sur feu pourtant modeste

Et les nouilles d’enfler tel nombre de vantardises !

 

Pour les gros mots il fallait des caractères géants !

Mais où donc flotte la consonne nécessaire à ce mot indécent ?

Quand je serai un pauvre bonhomme fané et vieillot

J’irai faire un tour du côté de la soupe populaire

 

Rempli d’espoir qu’à mon égard on écrive un bon mot

Avant que je ne me sente désaffecté et centenaire…

Allons termine ton consommé pépé, insistera t’il

Je te laisse le temps d’un tout dernier petit jeu puéril…

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